Facteurs d’évolution des atmosphères planétaires

Introduction

Les atmosphères des planètes telluriques telles que nous les voyons actuellement sont très différentes les unes des autres. La pression au sol en particulier est de pratiquement 0 sur Mercure, 7 millibar sur Mars, 1 bar sur la Terre et 92 bars sur Vénus, alors que les températures moyennes au sol sur Vénus, la Terre et Mars sont respectivement de 460°C, 15°C, et –60°C. On pense pourtant que ces planètes ont dû démarrer avec des atmosphères initialement semblables. En fait, un grand nombre de facteurs d'évolution sont à l'œuvre.

1. L’échappement atmosphérique

Les atmosphères sont liées à leur planète par l'effet du champ de gravité de celle-ci. Si celui-ci n'est pas suffisant, l'atmosphère n'est pas stable et « s'échappe ». Concrètement, si une molécule atmosphérique acquiert une vitesse qui excède une valeur seuil, appelée vitesse de libération, elle est perdue. La vitesse de libération est proportionnelle à √M, où M est la masse de la planète. Si on considère uniquement l'agitation des molécules en rapport avec la température (c'est ce qu'on appelle l'échappement thermique), une molécule de masse m a une vitesse proportionnelle à √(T/m), où T est la température de l'atmosphère. Ces deux formules indiquent que (i) les planètes les plus massives et les moins chaudes gardent mieux leurs atmosphères (ii) les molécules les plus légères s'échappent plus facilement que les molécules les plus lourdes. On peut ainsi comprendre très simplement pourquoi la Terre a une atmosphère mais pas la Lune (effet de M), pourquoi l'atmosphère des planètes telluriques ne contient pour l'essentiel que des gaz lourds (effet de m), et pourquoi Mars a une atmosphère mais pas Mercure (effet de T). Il existe d'autres mécanismes d'échappement que l'échappement thermique. Par exemple, l'interaction du vent solaire avec les atmosphères peut conduire à un échappement encore plus important. C'est notamment le cas pour les planètes dépourvues de champ magnétique (comme Mars), puisque celui-ci « protège » les hautes atmosphères des particules du vent solaire.

2. Les variations d’ensoleillement

La température d'une atmosphère est évidemment liée à sa proximité plus ou moins grande du Soleil. Elle dépend aussi du flux de chaleur émis par le Soleil lui-même. On sait par exemple que le Soleil peu après sa formation était 30 % moins lumineux qu'aujourd'hui. A plus courte échelle de temps, on sait aussi que le climat répond aux variations de l'ensoleillement ; par exemple le milieu du XVIIe siècle a été le théâtre d'un « petit âge glaciaire », lié à une faible activité solaire. Les cycles glaciaires-interglaciaires proprement dits sont principalement dus aux variations d'ensoleillement liés à de légères variations des paramètres orbitaux de la Terre (excentricité de l'orbite, orientation de l'axe des pôles).

3. L’effet de serre

La température d'une planète ne dépend pas seulement de la distribution de son ensoleillement ou de la nature de ses sols. Elle est également fonction de la capacité qu'ont les gaz de son atmosphère à absorber et réémettre le rayonnement. En général, les gaz atmosphériques sont « transparents » en lumière visible, et n'absorbent donc pas le rayonnement solaire incident. Une partie de celui-ci est réfléchi vers l'espace par les nuages, et une partie est absorbée par le sol. Ce dernier le réémet, mais sous forme de rayonnement infrarouge, qui peut alors être absorbé par certains gaz (H2O, CO2, CH4…) dits gaz à effet de serre. La réémission du rayonnement infrarouge par les gaz peut se faire soit vers l'espace, soit vers la surface, et le bilan global est une augmentation de la température de la surface par rapport au cas sans atmosphère. Sur Terre, cet effet de serre « naturel » contribue à réchauffer le sol de 33°C (de –18°C à +15°C en moyenne sur la Terre). Sans lui, il n'y aurait pas d'océans sur Terre. L'effet de serre est actuellement en augmentation à cause des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment du CO2 et du méthane.

L'effet de serre

L'effet de serre a pour conséquence de réchauffer la planète.
Crédits: Alain Doressoundiram et Gilles Bessou / Observatoire de Paris

4. Les échanges avec le sol. Le cycle du carbone

En présence d'eau liquide, le CO2 présent dans l'atmosphère se dissout dans l'eau de pluie et se dépose au sol sous forme d'acide carbonique (H2CO3). Les minéraux contenant des silicates (p.ex. CaSiO3) réagissent avec le CO2 dissous pour former des roches carbonatées (p.ex. CaCO3, la calcite) et du quartz (SiO2). Par ailleurs, le ruissellement des pluies peut aussi éroder les roches continentales carbonatées et transporter l'ion carbonate (HCO3-) dans les océans, où la calcite est reformée par combinaison avec du calcium. (Sur Terre, certains organismes marins (phytoplancton, organismes à coquille) jouent également un rôle très important dans le cycle du CO2 marin). Avec le temps, le calcaire se dépose dans les fonds marins et s'y accumule sous forme de sédiments. Le déplacement des plaques tectoniques enfouit ces roches carbonatées par un mécanisme de subduction. Sous l'effet des hautes pressions et des hautes températures, ces roches se dissocient et libèrent le CO2 qui se mélange au magma et est réinjecté dans l'atmosphère par l'activité volcanique. Le CO2 effectue donc un cycle entre l'atmosphère, les océans, et l'intérieur de la planète, dont les éléments essentiels sont la présence d'eau liquide et le volcanisme, et qui régule l'abondance du CO2 atmosphérique. L'échelle de temps du cycle, défini par la tectonique, est de l'ordre de 100 millions d'années sur Terre. Néanmoins, en l'absence du recyclage assuré par le volcanisme, le CO2 atmosphérique disparaîtrait en seulement quelques dizaines ou centaines de milliers d'années.

Le cycle du gaz carbonique

Le gaz carbonique suit un cycle qui conduit à un équilibre en carbone entre l'atmosphère et le sous-sol. Son interruption provoquerait l'accumulation du carbone soit dans l'atmosphère, soit dans l'intérieur.
Crédits: Alain Doressoundiram et Gilles Bessou / Observatoire de Paris

5. Les impacts

S'ils sont une source d'atmosphères, les impacts cométaires ou météoritiques peuvent être également la cause de leur érosion. On pense qu'une partie importante de l'atmosphère de Mars a pu ainsi être brutalement « soufflée » il y a environ 3,5 milliards d'années par un impact météoritique majeur.

6. L’activité chimique et biologique

Les réactions chimiques sont susceptibles de modifier la composition des atmosphères planétaires. On parle de photochimie car ces réactions sont le plus souvent initiées par la destruction d'une partie des molécules par le rayonnement solaire, les fragments (radicaux moléculaires) se recombinant ensuite pour donner naissance à des espèces plus complexes. Un exemple est la formation de l'ozone sur Terre à partir de l'oxygène. Toutefois, en général, les réactions chimiques conduisent à des équilibres et n'influent pas sur l'évolution atmosphérique à long terme. Un contre-exemple spectaculaire est la production d'oxygène sur Terre à partir de l'apparition des premiers organismes vivants dans la mer il y a environ 3 milliards d'années.

Crédits: Emmanuel Lellouch - Observatoire de Paris