Politiques de la biodiversité : en Europe et en France

La principale raison des démarches de développement d’indicateurs est d’offrir une base commune et facilement interprétable à la communication entre les divers acteurs concernés par cette problématique. De nombreux indicateurs pour évaluer des aspects de la biodiversité, d’une énorme variété, ont été construits, à des diverses échelles, aussi bien dans le domaine public (à finalité décisionnelle) et privée (dans le cadre des stratégies de responsabilité sociétale des entreprises). Toutefois, la question de la pertinence de ces indicateurs reste ouverte, et très peu d’entre eux sont aujourd’hui utilisés pour informer de la prise de décisions La question des indicateurs dans la décision publique.

complement Complément

Des critères de qualité des indicateurs ont été suggérés, portant sur trois aspects de leur pertinence, respectivement scientifique, pragmatique et sociale An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92 :

  • robustesse (l’indicateur devrait simplifier la réalité qu’il représente sans la déformer) : solidité scientifique, validité statistique, sensibilité aux changements dans le temps et dans l’espace
  • offrir une information factuelle et quantitative
  • possibilité de comparaison avec une situation de référence
  • légitimité aux yeux des utilisateurs potentiels (construction transparente et réfutable) ; les perceptions relatives à ce qu’un indicateur devrait mesurer, à quelles fins, selon quelle méthode et à quelle échelle sont très variées
  • faisabilité technique et coût-efficacité
  • pertinence pour l’objectif visé
  • facilité à comprendre et pertinence politique, facilité d’usage
  • permettre à la fois l’agrégation entre des échelles différentes (ex. : nationale et Européenne) et prendre en compte la biodiversité spécifique à chaque échelle

La plupart des indicateurs sont développées avec l’objectif de mesurer l’état (de santé) de la biodiversité (ex. : sa viabilité, résilience, productivité), afin d’offrir une information pertinente pour des mesures de gestion. Plusieurs approches ont été proposés et testés :

On distingue aussi des indicateurs liés à la nature extraordinaire (ex. : espèces menacées définies par la liste rouge de l’UICN, les suivis Natura 2000 ou des espaces protégées) et des indicateurs liés à la nature ordinaire (ex. : des espèces communes). Chacun de ces deux types d’indicateurs répond à des objectifs différents. Un premier objectif est d’assumer l’obligation éthique de l’espèce humaine de protéger la vie sur Terre. Un deuxième est le maintien des structures de la biodiversité qui ne sont pas en danger immédiat mais qui assurent des services environnementaux, d’autre part.

En conclusion, la mesure de l’état de la biodiversité est très difficile, étant donnée la complexité des systèmes écologiques et la connaissance scientifique incomplète qui existe aujourd’hui sur ces systèmes. Par ailleurs, le besoin d’intégrer les aspects socio-économiques et politiques dans les ensembles d’indicateurs a conduit au développement d’approches théoriques alternatives. Une des plus fréquentes est l’utilisation du cadre d’organisation des indicateurs environnementaux appelé DPSIR (Driving Forces, D – Pressures, P – State, S – Impacts, I – Response, R : Forces Motrices – Pressions – Etat – Impacts – Réponses). DPSIR est un cadre d’analyse systémique des problématiques environnementales et des démarches sociétales pour les aborder. Selon cette terminologie, les développements sociaux et économiques (Forces motrices) exercent des pressions sur l’environnement. En conséquence, l’Etat de la biodiversité change. Finalement, cela conduit à des Impacts sur la santé humaine, la société et les écosystèmes. Ces Impacts peuvent appeler une réponse sociétale et/ou politique. La Réponse peut viser le contrôle des Forces motrices, de l’Etat ou des Impacts Environmental indicators: Typology and overview En d’autres mots, le DPSIR est défini comme « la chaîne causale qui permet la description des interactions entre la société et l’environnement » An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92. Depuis 1995, ce modèle est largement utilisé par l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) et par l’Eurostat, avec l’objectif principal de faciliter la communication autour des indicateurs.

A l’échelle de l’Europe, comme le montre l’inventaire des 655 indicateurs de biodiversité identifiés dans les diverses études scientifiques par AEE, le schéma DPSIR permet l’organisation de ces indicateurs, tout en ayant certaines limites en ce qui concerne leur interprétation An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92.

Le modèle DPSIR

Crédits: Smeets and Weterings,1999

A l’échelle de la France, il existe très peu d’indicateurs de biodiversité. Neuf indicateurs sélectionnés pour la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour la Biodiversité sont en cours de développement. Ils visent la mesure des avancements du pays vers l’objectif Européen, qui est de stopper la perte de biodiversité d’ici 2010.

Le désavantage majeur de ces indicateurs est qu’ils portent uniquement sur l’état de la biodiversité, et ignorent les autres enjeux associés (ex. : d’usage, de pression, de suivi des politiques mises en œuvre, etc.) La question des indicateurs dans la décision publique.

Etant donnée les coûts significatifs de développement et de suivi d’un système des indicateurs de biodiversité, il est essentiel que les instances politiques allouent les ressources financières et humaines nécessaires au maintien à long terme et à l’efficacité d’un tel système.

Dans le monde des entreprises, le développement d’indicateurs de biodiversité vise la démonstration des performances environnementales de la compagnie envers d’autres parties prenantes. La démarche a des fins multiples : construire une image de marque, éviter les réclamations des tiers pour des dommages environnementaux, maintenir la valeur marchande du site d’implantation, etc. Ces initiatives sont encore à leurs débuts. Un exemple le représente l’index de contrôle de la biodiversité sur le long terme, mis au point par Lafarge pour l’exploitation des carrières de matériaux de construction.

Crédits:
Jean-Marc DOUGUET, chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Laura MAXIM, doctorante au C3ED, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Martin O'CONNOR, Professeur en sciences économiques à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
 
Référence bibliographique

Souan, H.. La question des indicateurs dans la décision publique. Actes du colloque "Changements globaux et biodiversité et région d’Ile-de-France". Fondaterra et le Conseil Régional Ile-de-France, 2006.

Référence bibliographique

AEE (Agence Européenne pour l’Environnement). An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92. AEE, 2002. 42.

Référence bibliographique

Smeets, E. et Weterings, R.. Environmental indicators: Typology and overview. Technical report No. 25. Copenhague : European Environment Agency, 1999. 19.

Référence bibliographique

AEE (Agence Européenne pour l’Environnement). An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92. AEE, 2002. 42.

Référence bibliographique

AEE (Agence Européenne pour l’Environnement). An inventory of biodiversity indicators in Europe, Technical report no. 92. AEE, 2002. 42.

Référence bibliographique

Souan, H.. La question des indicateurs dans la décision publique. Actes du colloque "Changements globaux et biodiversité et région d’Ile-de-France". Fondaterra et le Conseil Régional Ile-de-France, 2006.