Droit environnemental, acteurs et " gouvernance " des risques : l'Etat, un acteur pivot

Paradoxalement, l’Etat demeure l’acteur pivot de cette gouvernance des risques, en l’occurrence environnementaux. Progressivement, les autorités publiques reconnaissent l’importance d’associer d’autres agents auprès les acteurs institutionnels traditionnels. La convention internationale d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès en justice en matière d’environnement [Signée en 1998 et entrée en vigueur en octobre 2001. La CE est membre à part entière depuis l’adoption de la décision 2005/370/CE du Conseil du 17/2/2005 (JOUE série L 124 du 17/5/2005 p.1) – Idem pour la France.] synthétise les grandes lignes de cette évolution concourant à l’émergence embryonnaire de nouvelles modalités de gestion partenariale des risques.

En dépit de la diversification des instruments de régulation des risques et des nombreux acteurs en présence, l’Etat demeure un acteur essentiel ; destinataire des directives communautaires, il est responsable de la bonne application des contraintes auprès des acteurs économiques et des droits d’information et de consultation conférés au public.

Paradoxalement, si la majorité des encadrements juridiques prennent leur source dans l’ordre juridique communautaire et/ou international, l’Etat occupe une position stratégique et incontournable au niveau de l’application, et donc le contrôle de ces règles juridiques [Depuis l’accident d’AZF, la France a annoncé un renfort de 400 postes d’inspecteur des Drire (2004-2007), a augmenté le nombre des inspections (programmation de modernisation et de renforcement de l’inspection 2004-2007 et met en place des pôles inter-régionaux dédiés à la prévention des risques accidentels.]. Il demeure libre de mettre en place de dispositifs juridiques appréhendant des risques non pris en considération aux autres échelles. Cette situation se vérifie particulièrement en droit français avec le rôle central de l’autorité déconcentrée, le Préfet.

Dans le domaine des risques environnementaux, la répartition des compétences nationales donne la priorité à l’échelon central, tout en associant de plus en plus, les autorités infra-étatiques selon des modalités à géométrie variable et spécifiques aux risques encadrés. La loi 2003 prévoit ainsi l’association à « l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques, notamment des communes sur le territoire desquelles le plan doit s’appliquer, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme et dont le périmètre d’intervention est couvert en tout ou partie par le plan… » (L 515-22 code de l’environnement). La loi précise que dans ces zones, couvertes par un PPRT, dans lesquelles la « réalisation d’aménagement, d’ouvrages, les constructions nouvelles et les extensions de constructions existantes sont interdites » ou soumises au respect de certaines contraintes, les « communes ou les établissements publics de coopération intercommunale peuvent instaurer le droit de préemption urbain « (L 515-16).

Parallèlement à cette association améliorée, mais perfectible, des collectivités infra-étatiques, le législateur accepte certains aménagements institutionnels propices à la participation embryonnaire du public et des acteurs impliqués dans la maîtrise des risques, selon des principes de transparence, de participation et de responsabilité partagée. Ces dispositifs de concertation, temporaires (telle la conférence de citoyens sur l’utilisation des OGM en agriculture et dans l’alimentation, organisée par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, juin 1998) ou pérennes (telle la Commission du débat public issue de la loi Barnier du 2/2/95 relative à la protection de l’environnement), demeurent toutefois cantonnés à des fonctions consultatives. La loi 2003/669 « pour tout bassin industriel », dont les modalités de constitution et de fonctionnement sont fixées par le décret 2005/82 (art. D 125-29 à D 125-34 CE). Composée de 30 membres issus de 5 collèges (administration, collectivités territoriales, exploitants, riverains, salariés), la Clic est créée par arrêté préfectoral. Elle est notamment associée à l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques (avis sur le projet) et peut « émettre des observations sur les documents réalisés par l’exploitant et les pouvoirs publics en vue d’informer les citoyens sur les risques auxquels ils sont exposés ».Ces nouvelles instances (plus de 150 crées en septembre 2006) s’articuleront avec d’autres structures existantes, tels les secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles. Placées auprès du Préfet, ces entités seront susceptibles d’assurer la coordination des CLIC dans une zone géographique donnée. La loi 2003/669 met en place également la commission départementale des risques naturels majeurs présidée par le Préfet qui réunit les représentants élus des collectivités territoriales, les représentants d’organisations professionnelles, les représentants des administrations. Au final, l’intérêt de ces dispositifs de concertation et de consultation s’appréciera au regard de la réalité des actions qui seront conduites sur le terrain.

Crédits:
Nathalie HERVE-FOURNEREAU, chercheur au CNRS, IODE-Cedre, Faculté de Droit et de Science Politique -Université de Rennes 1
 
Définition

Secrétariats Permanents pour la Prévention des Pollutions Industrielles : première création en 1971 dans la zone de Fos-étang de Berre, depuis près d’une quinzaine de secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles existe et réunissent les élus, les administrations, les industriels, des experts, des associations de protection de la nature