Droit environnemental : la gestion des risques et la protection civile

L’évaluation vise, donc, à caractériser la source (risque lié à la substance/produit, risque lié au site de production, lié au transport (…)), la nature (individuelle, collective, certaine, incertaine), l’étendue spatio-temporelle, et l’intensité des risques générés (accidents « majeurs », « catastrophe » naturelle, « danger grave », « danger très grave », «inconvénients », « risque inacceptable »). En fonction de ces appréciations scientifiques, les dispositifs juridiques prévoient une série de contraintes modulables permettant de gérer les risques environnementaux en priorité à la source. Cet objectif de proportionnalité de la contrainte environnementale explique, en partie, la relative complexité des textes. De surcroît, les nombreux débats et rapports à la suite de l’accident d’AZF de Toulouse, en septembre 2001, ont démontré la nécessité de pallier les lacunes et l’ineffectivité dommageables des contraintes existantes Les leçons de Toulouse : 90 propositions pour réduire, ensemble, les risques industriels pour les 1110 installations à risque « Sévéso ». Dans un souci de gérer les risques générés aux étapes les plus cruciales de la vie d’un produit, d’une substance, d’un site de production, d’un trajet (…), le législateur impose des obligations d’ordre technique, procédurale et organisationnelle de l’amont à l’aval du processus d’émergence et d’apparition des effets dommageables des risques.

Une série d’instruments classiques de police, de planification territoriale s’associe à l’utilisation d’outils contractuels, financiers et de normalisation. Le règlement 1907/2006/CE « REACH » (applicable en juin 2007) impose aux fabricants, importateurs et utilisateurs en aval, des obligations d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation selon le type de la substance appréhendée aux différentes phases de son existence (fabrication, mise sur le marché, utilisation). Les substances identifiées comme (très) persistantes, (très) bioaccumulables, toxiques justifient un traitement juridique renforcé. Ces contraintes procédurales peuvent conduire à des interdictions et/ou des restrictions d’utilisation, comme l’illustre la réévaluation des substances actives dans le cadre de la directive 91/414/CEE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

Dans le domaine des risques technologiques, la directive 96/82 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses s’applique « aux établissements où des substances dangereuses sont présentes dans des quantités égales ou supérieures aux quantités indiquées à l’annexe 1 », excepté les installations énumérées à l’article 4 [« Les établissements, installations ou aires de stockage militaires, les dangers liés aux rayonnements ionisants, les transports de substances dangereuses et stockage temporaire par route, rail, voies navigables intérieures et maritimes ou par air (…) ».]. Parmi les nombreuses exigences communautaires que les Etats membres doivent veiller à faire respecter à ces exploitants, figurent des obligations de notification (art. 6) relative aux risques présentés, de rédaction d’un document définissant la politique de prévention des accidents majeurs (art. 7), la présentation d’un rapport de sécurité (art. 9) conformément à l’annexe II et qui sera revu régulièrement (au moins tous les 5 ans (…)), l’élaboration d’un plan d’urgence (art. 11), la fourniture d’informations après un accident majeur (art. 14).

Outre ces obligations à charge des entreprises visées par la directive, les Etats membres sont tenus de respecter un certain nombre de exigences en termes, d’identification des risques « d’effet domino » (art. 8), de maîtrise de l’urbanisation (art. 12), d’information du public (art. 13), de contrôle (voire d’interdiction d’exploitation : art. 17) et d’inspection des sites (art. 18).
En réponse à l’accident dramatique de l’usine AZF de Toulouse en septembre 2001, la loi 2003/699 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages vise à renforcer les textes existants et à introduire quelques dispositifs propres à promouvoir une certaine culture de sécurité. La planification territoriale et la maîtrise de l’urbanisation autour des établissements industriels à risques constituent un chapitre important de ladite loi (art. 4). L’article 5 (art. L-515-15 du code de l’environnement « CE ») précise que l’Etat « élabore et met en œuvre des plans de prévention des risques technologiques (…) qui délimitent un périmètre d’exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l’intensité des risques technologiques… ». À l’intérieur de ce périmètre, délimité sur la base de la nature et de l’intensité des risques présentés dans les études de danger et les mesures de prévention, la loi prévoit une série de servitudes publiques (dont les Plans de Prévention des Risques Technologiques) aptes à gérer ces risques, telle la possibilité d’utiliser la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique « lorsque la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate » (art. 5 : art. L-515-16 du CE). Lors des assises de Douai sur les risques technologiques en novembre 2006, la Ministre de l’écologie et du développement durable a indiqué que 124 PPRT avaient été lancés et qu’une centaine d’autres devraient suivre en 2007 (au total, 421 PPRT concernant 622 établissements industriels) ; et depuis 2003, plus de 1000 études de dangers réalisés et 170 programmes d’investissements (150 millions d’euros) ont été imposés.

Le titre II de la loi 2003, consacré aux risques naturels, précise les conditions d’établissement des plans de prévention des risques naturels prévisibles, et notamment la prévision des crues avec la mise en place d’un schéma directeur de prévision des crues pour chaque bassin. Le recours à la technique des servitudes publiques et à la maîtrise de l’aménagement du territoire est précisé en vue de gérer les eaux de crues ou de ruissellement, l’érosion des sols agricoles (délimitation préfectorale de zones d’érosion) (…). La Communauté européenne investit progressivement ce domaine de prévention et de gestion des inondations [COM (2006) 15 du 18/1/2006, proposition de directive du Parlement européen (PE) et du Conseil relative à l’évaluation et à la gestion des inondations. COM (2004) 472, communication

sur la gestion des risques liés aux inondations.]. La nécessité de prévenir la survenance des risques et dommages afférents se conjugue aux efforts de veille, d’alerte et de gestion de l’accident majeur et/ou de la catastrophe naturelle. Le renforcement constant de l’organisation de la protection civile et de la coopération à l’échelle nationale, communautaire et international revêt une importance fondamentale dans la gestion des risques survenus. Ainsi, dans le cadre de la directive 96/82 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiée en 2003 Directive 2003/105 du PE du 16/12/2003, l’article 11, consacré aux plans d’urgence, précise à son alinéa 4 bis (directive 2003) que les « Etats membres devraient tenir compte de la nécessité de favoriser une coopération accrue en matière de secours relevant de la protection civile en cas de catastrophe majeure ».

Dans le domaine de la protection civile, l’action communautaire présente un caractère récent (première résolution du Conseil en 1987) et inachevé, eu égard à la fragilité des fondements juridiques de cette intervention (art. 3 TCE introduit par le traité de Maastricht).
L’intervention de la CE contribue à promouvoir et soutenir l’organisation et le renforcement continu de la coopération dans ce domaine et non à se substituer aux Etats membres ; ces derniers demeurent maîtres de l’organisation interne de leur protection civile. Cette configuration des compétences explique l’absence de toute mesure d’harmonisation communautaire au profit de l’adoption de programmes communautaire d’action Décision 1999/847/CE du Conseil du 9/12/1999, du mécanisme de coopération en matière de protection civile Décision 2001/792/CE,CEEA du Conseil du 23/10/2001 instituant le fonds de solidarité de l’Union européenne pour faire face aux catastrophes naturelles (proposition 2005 de l’élargir aux autres urgences majeures), l’organisation d’exercices européens de protection civile (premier exercice européen « Euratox » en 2002 dans le Var). La mise en place d’un centre communautaire de suivi et d’information disponible 24h sur 24 permet à un Etat, en situation d’urgence, de demander l’assistance à ses partenaires européens et de pouvoir bénéficier du soutien financier de la Communauté, sous réserve du respect des conditions imposées Décision 2007/162/CE/CEEA, du Conseil du 5/3/2007. La constitution suggérée par Michel Barnier d’une force européenne de protection civile et le renforcement de la mutualisation des moyens de protection civile offrent des perspectives intéressantes. La future présidence française de l’Union européenne (à partir du 1er juillet 2008) s’est engagée dans cette voie (Conférence du Colonel Nardin sur « l’Union européenne et la sécurité civile » lors de l’Université d’été européenne de septembre 2007 à Rennes, lien externe http://cejm.univ-rennes.eu/themes/universite_ete_2007/programme/). D’autres systèmes communautaires d’alerte rapide spécifiques existent également, tel le système Ecurie dans le domaine des urgences radiologiques, le système bichat en cas d’attaques et de menaces biologiques et chimiques (Programme adopté en 2001 et opérationnel depuis 2002 – COM (2003) 320), et le système Argus qui intervient en cas de crise de nature multisectorielle et multidimensionnelle (COM (2005) 662).

En droit français, la loi 2004/811 Loi 2004-811 du 13/8/2004 de modernisation de la sécurité civile énonce que la « sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre des mesures et de moyens appropriés relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées ». L’annexe de ladite loi offre une présentation éclairante des orientations de la politique de sécurité civile qui vise à développer une « véritable culture de préparation au risque et à la menace ». En attendant l’émergence d’une telle culture, force est de constater l’importance des dispositifs relatifs aux régimes de responsabilités et à la réparation des dommages liés à la survenance des risques environnementaux.

Crédits:
Nathalie HERVE-FOURNEREAU, chercheur au CNRS, IODE-Cedre, Faculté de Droit et de Science Politique -Université de Rennes 1
 
Référence bibliographique

Loos, F. et Le Déaut, J.-Y.. Les leçons de Toulouse : 90 propositions pour réduire, ensemble, les risques industriels. Débat national sur les risques industriels, rapport de P.Essig au premier Ministre, 2002. Documentation française, 2002.

Définition

Plans qui permettent de définir une stratégie de maîtrise des risques sur les territoires accueillant des sites industriels à risques. Ils combinent réduction des risques à la source, réglementation de l’urbanisation et des constructions et mesures foncières pouvant aller jusqu’à l’expropriation

Définition

Expression utilisée au niveau communautaire pour désigner tous les documents préparatoires de la Commission européenne : proposition de textes, rapports, livres blanc, vert, bleu, communications

Référence bibliographique

Union Européenne. Directive 2003/105 du PE du 16/12/2003. Modifiant la directive 96/82/CE, JOCE série L 345 du 31/12/2003 p 97. Union Européenne, 2003.

Référence bibliographique

Union Européenne. Décision 1999/847/CE du Conseil du 9/12/1999 . Instituant un programme d’action communautaire en faveur de la protection civile pour la période 2000-2004 JOCE série L327 du 21/12/1999 pp. 53-57- Décision 2005/12/CE du Conseil du 20/12/2004 portant modification de la décision 1999/847/CE en ce qui concerne l’extension du programme d’action communautaire en faveur de la protection civile JOUE série L06 du 08/01/2005 p. 7. Union Européenne, 1999.

Référence bibliographique

Union Européenne. Décision 2001/792/CE,CEEA du Conseil du 23/10/2001. Instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile JOCE série L297 du 15/11/2001 pp. 7-11 et proposition de refonte du mécanisme : COM (2006) 29 du 26 janvier 2006. Union Européenne, 2001.

Référence bibliographique

Union Européenne. Décision 2007/162/CE/CEEA, du Conseil du 5/3/2007. Instituant un instrument financier pour la protection civile, JOUE série L 71 du 10 mars 2007 p 9 et Règlement 2012/2002/CE du Conseil du 11/11/2002 instituant le fonds de solidarité de l’Union européenne pour faire face aux catastrophes naturelles, JOCE série L 311 du 14/11/2002 p 3, en cours de révision COM (2005) 108. Rapport de la Commission européenne sur ce fonds de solidarité: COM (2006) 444. Union Européenne, 2007.

Référence bibliographique

République Française. Loi 2004-811 du 13/8/2004. Modernisation de la sécurité civile (JORF 1/8/2004 p 3), abroge la loi 87-565 du 22/7/1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs (JORF du 23/7/87 p 8199). République Française, 2004.