La prise en charge du risque de mouvements de terrain par la collectivité : la législation

Cette prise en charge s’exerce dans un contexte de vulnérabilité accrue auquel s’ajoute, depuis quelques décennies, une tendance à la « sur assurance » en ville des personnes, des biens, mobiliers et immobiliers. Elle obéit à une logique de prévention allant jusqu’à une certaine forme de coercition de la part des pouvoirs publics afin de réduire « le hasard moral », cette part d’incertitude des assureurs (dont fait partie l’État) vis à vis du comportement des particuliers. Elle s’avère complexe car elle implique un faisceau d’acteurs, depuis le concessionnaire des réseaux techniques, les services techniques des collectivités, jusqu’aux particuliers.

L’originalité actuelle du système français de protection contre l’ensemble des dommages matériels provoqués par les phénomènes naturels réside dans la combinaison de quatre régimes : les dommages assurables qui relèvent de garanties contractuelles (comme la tempête, la foudre, la grêle) ; le Fonds national de garanties des calamités nationales (FNGCA), institué en 1964 ; les dommages non assurables dans le cadre de la loi de 1982 et le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, cré par la loi du 2 février 1995 pour indemniser les personnes expropriées par l’État (CCR, 2000). Le législateur prend donc en compte les risques « mouvements de terrain » au titre des catastrophes naturelles ou Loi CatNat 82-600 du 12 juillet 1982. Jusque-là, inondations, tempêtes, séismes et autres risques naturels étaient considérés comme « non assurables» par les compagnies d’assurance et exclus des contrats. Les compagnies évoquaient l’impossibilité de cerner leur engagement face à des risques de cumul possible de catastrophes géographiquement concentrées, leur impossibilité à contrôler les précautions prises par les assurés pour prévenir les sinistres, ainsi que leur difficulté à calculer les primes des contrats pour des aléas de faible probabilité. Était considéré comme non assurable le dommage qui n’était pas réassurable. La loi de 1982, constatant que le marché ne pouvait pas indemniser les risques naturels, a choisi au nom de la solidarité de faire payer tous les Français. Cela a conduit à faire payer une cotisation d’assurance à des personnes non soumises, ou très peu soumises, aux risques catastrophiques. La prime est fixée par les pouvoirs publics. Elle consiste en un pourcentage appliqué aux primes relatives aux assurances de biens. Actuellement, en France, chaque assuré acquitte une prime égale à 12 % de la prime qu’il paye au titre de ses assurances de biens (habitation (12 %) et voiture (5,5 %).

C’est l’État qui décide de faire jouer la garantie en prenant un arrêté de catastrophe naturelle, sur demande des maires et après consultation des préfets et d’une commission interministérielle. La loi n’ayant pas toujours fixé les critères d’anormalité de l’intensité du phénomène naturel, ces critères sont susceptibles d’être redéfinis comme ce fut le cas pour le risque retrait-gonflement. L’ampleur des conséquences financières d’une catastrophe naturelle peut être si grande que les primes d’assurance perçues par les assureurs ne sont pas suffisantes pour les indemnisations dues en vertu des contrats d’assurance. En France, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) permet de réassurer les assureurs qui interviennent sur le marché des catastrophes naturelles. La CCR bénéficie de la garantie de l’État Français. On retrouve ici un aspect de la solidarité étendue à tous les Français, puisque c’est le budget de l’État qui est mis en cause quand est appelée la garantie de l’État.

Le cadre réglementaire cré pour l’indemnisation a évolué vers une limitation des coûts et des abus par le non respect de certaines précautions. Un certain nombre de mesures et de prescriptions ont alors été mis en œuvre. Cette évolution s’inscrit dans une prise en compte préventive du risque, d’autant plus justifiée en l’occurrence que les processus sont largement influencés par des actions humaines. Cette démarche préventive s’inscrit dans une double dimension d’une meilleure connaissance de l’aléa et d’une construction collective des prescriptions.

Crédits: Catherine CARRE, Maître de conférences à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne
Michèle CHARTIER, Maître de conférences à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne