Multiplicité des SIG, diversité des acteurs

La disparité des systèmes d’informations spatialisés met en exergue la question de l’interopérabilité. La multiplicité des données géographiques pose le problème de leur normalisation à l’échelle nationale et du développement des modèles de fusion de données hétérogènes. La prise en compte de la réalité sur le terrain en temps réel ou lors de l’évaluation des dégâts, tout comme l’information aux assurés pose la question de l’efficience des architectures SIG existantes.

S’il est actuellement difficilement concevable de mettre en œuvre un système d’information intégré sur les risques naturels en raison de la diversité des SIG, de la multiplicité des acteurs institutionnels les utilisant, plusieurs pistes pourraient être envisagées en terme d’interopérabilité, de mise en commun ou à disposition des bases de données. L’interopérabilité des systèmes d’informations géographiques pourrait se faire par l’échange des différentes sources d’informations acquises par les différents acteurs institutionnels et privés : données brutes, bases géographiques et spatiales, cartes, analyses, modèles de simulations. La mise en commun des données et rapports ne pourrait qu’enrichir les études, traitements et analyses des autres acteurs impliqués dans la prévention et la gestion des risques naturels. Elle permettrait, également, une meilleure coordination et gestion des ressources informationnelles tout autant qu’une rationalisation des besoins et une identification des manques.

La mutualisation, la structuration et la hiérarchisation des fonctions entre les acteurs au travers des SIG, si nécessaire soient-elles, se heurtent à une « culture » de non diffusion des sources d’informations et des ressources (connaissances et savoir faire). Les réticences liées à la non communicabilité des données et connaissances rendent difficile la mise en place de plateformes communes de prévention, d’alerte et d’analyse ou à défaut interopérables. Elles conduisent à une démultiplication des SIG, à une absence de normalisation des bases de données et de formalisation des besoins, si minime soit-elle. On peut se demander si cette logique de non diffusion a réellement un sens. Plus de 95% de l’information géographique est ouverte ou disponible, nombre de données catégorisées comme non diffusables ou/et manquantes peuvent être produites ou du moins approchées par la combinaison, l’association de bases de données existantes et les résultats produits à partir d’autres variables et indicateurs géographiques. La confidentialité des données et ressources sociogéographiques ne cacherait-elle pas, en partie, une autre réalité : l’obsolescence, l’état embryonnaire des systèmes d’informations mis en place par certains de ces acteurs, tout autant que certaines déficiences ? Ou plus simplement la culture corporatiste, les politiques commerciales et jalousées de certaines institutions ou acteurs privés se heurtent à celle de l’intérêt général de la société et des populations ? En l’absence de systèmes d’informations et d’alerte interopérables ouverts disponibles, les populations ont tout intérêt à utiliser les systèmes d’informations géographiques « ouverts » étasuniens qui renseignent sur le niveau d’alerte et de prévention des risques et catastrophes naturelles potentielles, à venir ou en cours.

Ces systèmes d’informations « ouverts » consultables en temps réel par l’Internet, issus de la politique de domination informationnelle globale nord-américaine, sont constamment améliorés et mis à jour. Ils s’appuient en grande partie sur les réseaux de mesures et les constellations de satellites d’observation de la Terre. Ils sont actuellement conçus pour fournir une information ouverte aux échelles globales et régionales, parfois locales. Tel World Win de la NASA, ils pourraient, par la puissance d’intégration des données et des modèles mis à jour en quasi temps réel, se substituer à certains SIG mis actuellement en place. La consultation ouverte des SIG sur les niveaux, types et cartographies des risques naturels mis en place par les DIREN répond à cette attente de la part de la société civile. Cependant, en l’absence réelle de système géomatique d’alerte et d’information, pourtant prônée par le conseil national de l’information géographique (CNIG) et formalisée par la convention Aarhus, une possible mise en dépendance informationnelle par rapport aux systèmes d’informations et d’alerte étasuniens liée à une demande sociétale en constante augmentation est-elle politiquement acceptable ?

Suivie de la trajectoire de la tempête tropicale Paul au 26 octobre 2006

Crédits: Université d’Hawaï, 26 octobre 2006, lien externe http://www.solar.ifa.hawaii.edu/tropical/tropical.html/

L’efficience des démarches d’analyses et de conceptualisation des risques naturels par la géomatique est depuis plusieurs années démontrée. Cependant, l’éclatement des systèmes mis en place, même au sein des DIREN (direction régionale de l’environnement), la disparité et la qualité des données et informations implémentées et modélisées entre différents SIG, l’absence ou l’existence d’interopérabilité nuit à la mise en place d’une politique globale de prévention et de gestion intégrée des catastrophes naturelles. Les inégalités de traitement, les disparités des études et des analyses des plans de prévention des risques, tout autant qu’une absence de restitution géographique disparate pose la question du « traitement » équitable des populations devant les risques naturels. Problème d’équitabilité géographique et sociétale qui transparaît à travers les SIG mis en place. Sur le plan strict des sciences géomatiques, les difficultés d’harmonisation des données et informations, d’interopérabilité des systèmes et modèles, l’incapacité de certains acteurs institutionnels et privés à s’accorder sur la mutualisation des données, sans compter les difficultés de généraliser à des fins opérationnelles les modèles de simulation, malgré le nombre et la qualité des modèles développés, rendent difficiles la mise en place de systèmes de prévention réellement spatialisés et localisés. Ceci est d’autant plus préjudiciable que le cadre politique, sociétal et technique du rôle et de l’emploi de l’information géographique et de ses modalités d’application ont été clairement définis et entérinés à travers 16 propositions du livre blanc publié en 2005 « S’informer pour prévenir le risque naturel ». Les modalités ont été fixées, reste aujourd’hui à les mettre en œuvre.

Crédits:
Sébastien GADAL, Maître de conférences à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - C3ED