Une politique de prévention et de dépollution encore limitée à un face à face entre les services de l’Etat et les exploitants

La définition des politiques publiques en matière de sols pollués est du ressort du MEDD et elle s’exerce essentiellement dans le cadre des ICPE. Pour que le principe d’un traitement d’un sol en fonction de l’usage et du degré de pollution soit respecté, il faut que la connaissance du site, de sa pollution et des risques potentiels occasionnés soit détenue par le plus grand nombre de personnes. Ensuite, la Loi sur les risques de juillet 2003 prévoit l’obligation d’information par le vendeur d’un site, sur le risque connu de pollution des sols. Plusieurs bases sont en cours de constitution pour répondre à ces obligations. L'inventaire Basol des sites potentiellement pollués constitue une base de données couplée à un tableau de bord des interventions menées par les pouvoirs publics et les gestionnaires de sites. Pour l’historique des sites industriels et la mémoire des pollutions, Le ministère a chargé le BRGM de la constitution de la base Basias (lien externe http://basias.brgm.fr) et de sa gestion.. Cependant, Christian Legrand signale que le MEDD considère que des sites aux sols pollués abandonnés depuis plusieurs décennies, ne présentent plus de risques potentiels. Il rappelle que ces sites peuvent redevenir actifs en matière de pollution s'ils font l'objet de travaux divers sans prise de précautions particulières. « En cela, il est donc essentiel que les vendeurs, acheteurs, aménageurs et constructeurs détiennent les informations historiques relatives aux sites considérés. Cette recherche sur l'entité historique des sites doit être conduite très en amont de la détermination de l'usage qui sera fait du lieu. Actuellement, ce n'est pas toujours le cas... » Sites et sols pollués : comment agir ?

La méthodologie d’une gestion spécifique et selon les usages a été élaborée par les services de l’Etat sous l’autorité du MEDD. La circulaire du 23 avril 1996 a présenté les premières versions des outils élaborés à cette fin, complétée par celle du 10 décembre 1999 : les études historiques, le diagnostic initial et l'évaluation simplifiée des risques (ESR), et cela dans l'objectif de réhabiliter systématiquement l'ensemble des sites identifiés comme sensibles en considérant leur seul niveau de pollution intrinsèque. La méthodologie présentée par le MEDD repose sur une approche scientifique et médicale : l'évaluation des risques sanitaires (ERS). C'est la direction des risques chroniques (DRC) de l’INERIS qui a pour rôle l’évaluation de l’impact à long terme des substances chimiques, rayonnements électromagnétiques, déchets et sites pollués sur la santé humaine et les écosystèmes. Le guide EDR indique une méthode de calcul des risques en fonction de la catégorie des substances présentes (cancérigènes ou non), reposant sur plusieurs paramètres (le temps d'exposition, la fréquence d'exposition, le poids corporel, le temps moyenné de l'exposition), et définissant la présence d'un risque pour :

Au final, « Un site est reconnu pollué lorsque l’évaluation simplifiée des risques le place soit dans la classe 1 (site prioritaire pour un diagnostic approfondi), soit dans la classe 2 (site à surveiller). »

Selon Guillaume Gay, de l'INERIS, les différents usages peuvent se résumer à deux principales catégories :

Dans l'évaluation des risques sanitaires, ce qui différencie les deux usages ce sont les hypothèses de calcul. La nature des polluants et les seuils restent les mêmes, mais les cibles, les voies d’exposition et les fréquences sont différentes. Si les contaminants sont présents mais inférieurs aux seuils, des mesures de gestion éliminant le transfert sont suffisantes (barrière, terre amendées). En revanche, des valeurs supérieures aux seuils nécessitent une intervention et un traitement de la pollution.

Cependant, l'Etat n'a pas vocation à réaliser des actions de prévention des risques sur une installation classée en fonctionnement ou arrêtée. Dans le cadre général de la législation relative aux installations classées, les pouvoirs publics s’assurent que les exploitants mettent en oeuvre les mesures de prévention appropriées mais ne se substituent pas à l’exercice de leur responsabilité. Selon la jurisprudence administrative française, « l’obligation de remise en état pèse sur l’exploitant, à moins qu’il n’ait cédé son installation et que le concessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d’exploitant » 8 septembre 1997, affaire Sarachrom, Le Moniteur, 21 novembre 1997, n°4904, p.57.. Il a par ailleurs été jugé qu’à défaut d’un exploitant présent et solvable, le propriétaire d’un site pollué peut être recherché en qualité de détenteur de déchets, alors même qu’il n’a jamais exercé la moindre activité industrielle, et que le terrain a fait l’objet de deux cessions successives 10 juin 1997, affaire Zoegger.

Aujourd’hui, pour les services de l’Etat, la méthode a fait ses preuves. Il reste cependant un certain nombre d’interrogations comme le devenir des « sites orphelins », à la charge de la collectivité. Ensuite, comme le souligne Robert Renaud, du Service Technique d’Inspection des Installations Classées (STIIC), « Il ne faut pas parer le système de toutes les vertus. » En reprenant l’exemple d’un ancien site industriel de banlieue sur lequel une école avait été construite, il rappelle que des parents s’étaient plaint d’intoxication à partir de solvants émanent du sous sol, et que, malgré toutes les vérifications, toutes les analyses montrant qu’il n’y avait ni trace de solvant ni trace d’un quelconque produit toxique, le doute s’était installé. Aussi « N’est-il pas raisonnable de se poser alors la question : fallait-il construire un établissement scolaire sur un ancien site industriel ? » La reconquête des anciens sites industriels par la dépollution des sols Ainsi, dans le cadre de l’élaboration en cours par le MEDD des nouvelles modalités de gestion des sols pollués, les services associés insistent sur une meilleure prise en compte des objectifs pas seulement techniques et économiques mais aussi « subjectifs (l'acceptabilité sociale d'une option de gestion) pour la mise au point d'une stratégie de gestion d'un site pollué : aujourd'hui, le débat se réduit bien souvent à une discussion sur les résultats de calcul de risques sanitaires. » Sols pollués : Refonte des textes et des outils de gestion

Crédits:
Catherine CARRE, Géographe, MCF à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne
Michèle CHARTIER, Maître de conférences à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne
 
Référence bibliographique

Legrand Christian, Solerieu Marie. Sites et sols pollués : comment agir ?. Technicité, mai 2006, n° , .

Référence bibliographique

Cour administrative d’appel de Lyon. 10 juin 1997, affaire Zoegger. Le Moniteur, 21 novembre 1997, n°4904, 58.

Référence bibliographique

RENAUD Robert. La reconquête des anciens sites industriels par la dépollution des sols. Deux exemples et quelques réflexions. Annales des Mines, mai 2000.

Référence bibliographique

GILBERT Dominique ; NOËL Stéphane, MAROT Franck, DARMENDRAIL Dominique, MOSSMANN Jean-Rémi, FAUCONNIER Danièle, HULOI Corinne, HAZEBROUCK Benoît. Sols pollués : Refonte des textes et des outils de gestion. Environnement et technique, juillet 2006.