Le contexte mondialisé du développement durable

Introduction

Impossible de parler de développement durable, sans faire un peu d’histoire, celle des relations socio-économiques entre les peuples, celles qui a conduit aux grands équilibres (ou déséquilibres) géopolitiques du XXème siècle !

1. Le XVIème siècle : le début de l’ère planétaire

La mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui est l’aboutissement d'un long processus. Comme le dit si justement Edgar Morin dans son rapport à l’Unesco « Les sept savoirs nécessaires à une éducation du future », Rapport « Les sept savoirs nécessaires à une éducation du futur » nous sommes entrés de plain pied dans l’ère planétaire au début du XVIème siècle.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les 5 continents entrent en communication. Le XVIème siècle est le temps de l’ouverture des voies de navigation vers l’Afrique, l’Inde, la Chine, l’Amérique et les Antilles. Cette mise en relation se fait pour le meilleur et pour le pire !
Pour le meilleur, car les échanges culturels se multiplient, chacun apprenant de l’autre.
Pour le pire, car la colonisation se fait dans la violence et au mépris du respect de l’individu ce qui aura pour conséquence la disparition des civilisations aztèques et incas en Amérique du Sud et la traite des esclaves en Afrique. Par ailleurs avec les navires circulent les maladies comme la rougeole, herpès, grippe, tuberculose contre lesquelles les populations autochtones n’ont aucune immunité, sans parler des espèces animales qui entrent en compétition avec les espèces locales !
C’est un véritable partage du monde qui s’opère à cette époque au profit, pour l’essentiel, de quatre pays : l’Espagne, le Portugal, la France et l’Angleterre. Les enjeux économiques sont majeurs : il s’agit du sucre au Brésil, de l’argent au Mexique et au Pérou, des épices en Inde.
Les conditions d’un premier âge du capitalisme sont réunies avec les concentrations des capitaux aux mains des banquiers, fabricants et négociants et l’apparition des monopoles internationaux étatiques ou privés.

2. L’ère industrielle : quand développement rime avec croissance !

Ce partage du monde entre grandes puissances ne s’achèvera qu’à la veille de la guerre de 1914, époque où la croissance du commerce mondial en volume est de 4,6% par an. L’Europe, l’Amérique du nord et l’Australie règnent en maîtres et dominent les échanges qui se font selon deux schémas :

La mondialisation telle que nous la connaissons au XXIème siècle incarne cette évolution de nos sociétés à l’ère planétaire.
Notre modèle de développement, notre manière de produire et de consommer, se sont construits sur des mythes : celui d’une planète aux ressources infinies, celui d’une croissance illimitée, celui d’une agriculture intensive pour nourrir le monde. Des mythes qui s’imposent dans les pays occidentaux après la seconde guerre mondiale, avec la période des « trente glorieuses ». Jamais auparavant, les rythmes de croissance n’ont été si rapides. Le taux de chômage est faible, les évolutions sociales importantes et les préoccupations environnementales oubliées.

3. Quand les pays « du sud » revendiquent le droit à se développer !

Le tiers-mondisme naît à Bandoeng (Ile de Java) en 1955 lors d’une conférence qui réunira 29 pays du Tiers-Monde. C’est un mouvement anticolonialiste qui entend regrouper les pays dominés pour défendre leur droit à la souveraineté et au développement. La charte adoptée lors de la conférence de Bandoeng pose pour principes : l’égalité des races et des nations, la paix, un fonds spécial de l’ONU pour le développement.
Parmi les leaders de ce mouvement on trouve, le yougoslave Tito, l'Égyptien Nasser et l'Indien Nehru qui revendiquent leur «non-alignement», à égale distance des deux superpuissances, les États-Unis et l'URSS.
Ces leaders prônent le rassemblement des pays pauvres, la lutte contre le colonialisme et la ségrégation raciale, l'établissement de relations commerciales équitables entre les pays développés et les pays pauvres.
Un nouveau modèle de développement est en émergence, un modèle fondé sur des valeurs et des principes différents que la seule croissance des pays industrialisés !

4. Les Années 70…Un tournant décisif : développement et croissance ne vont plus de pair !

Les années 60 à 70 marquent un tournant décisif dans l’histoire du développement durable. Pour la première fois, on assiste à une prise de conscience d’ordre mondiale sur les questions liées à l’impact écologique du développement.

5. Les années 70 ... Une prise de conscience au niveau mondial !

À partir de la fin des années 60 le monde découvre ou redécouvre le pouvoir dévastateur des activités humaines sur la santé et la nature : en 1959, la cause de la maladie de Minamata qui a touché près de 2 millions de personnes au Japon, est mise en évidence, il s’agit d’un empoisonnement dû au rejet, en mer, de mercure. En 1969, C’est le Torrey Canyon qui déverse plus de 123 000 tonnes de pétrole sur les côtes britanniques et françaises. Quelques mois plus tard, c’est au Rhin d’être pollué sur 600 kilomètres, par un fût de 500 litres d’insecticide !
C’est une véritable prise de conscience de l’opinion publique qui s’opère dans ces années-là, un tournant dans la prise en compte de l’impact environnemental des activités humaines.
À partir des années 70 les organisations non gouvernementales (ONG) vont jouer un rôle majeur à double titre : d’une part, elles vont, sans relâche, sensibiliser et mobiliser l’opinion publique aux grands enjeux du développement durable, et d’autre part, elles vont devenir des acteurs incontournables dans l’élaboration des politiques internationales.
La première ONG, l’UICN Comité français pour l'UICN (Union Mondiale pour la Nature), aujourd’hui appelée Union mondiale pour la nature, est fondée en 1948. Elle défend l’idée d’une politique de conservation de la nature en la préservant de toute activité humaine. L’UICN, rassemble aujourd’hui 80 États, 120 organismes gouvernementaux, plus de 800 ONG, et environ 10 000 experts et scientifiques de 181 pays en un partenariat mondial unique. A partir de la fin des années 60, une nouvelle génération d’ONG, dites « environnementalistes » voit le jour. WWF, Organisation mondiale de protection de l'environnement se crée en 1961. Les « Amis de la terre » Décidons du monde que nous voulons verront le jour en 1970 et Greenpeace Greenpeace France est fondée en 1971 par des opposants aux essais nucléaires dans les îles aléoutiennes ! Ces associations défendent l’idée d’une politique intégrée de protection de la nature associant les populations locales à la gestion des ressources naturelles.
En France, on assiste, en 1969, aux premiers combats écologistes et citoyens : contre le projet touristique dans le parc de la Vanoise et contre la pollution à la Hague en raison de la construction de l’usine de retraitement des déchets nucléaires.
Aux Etats-Unis, vingt millions de personnes, participeront au premier « jour de la Terre », le 22 avril 1970 et manifesteront pour une législation de protection de l’environnement.

6. Les années 70 ... La fin d’un Mythe

En 1971, le Club de Rome, groupe de réflexion, composé d’industriels, de diplomates et de chercheurs lance un vrai pavé dans la marre avec la publication du rapport « Halte à la croissance », traduction alarmiste de son titre original « The limits to growth ».
Ce rapport appelé, aussi rapport « Meadows » du nom d’un de ses auteurs alors Directeur du «Massachussetts Institute of Technology », propose une vision systémique du développement où « développement et environnement doivent être absolument traités comme un seul problème ». Il s’inspire des premières tentatives de modélisation de « l’écosystème mondial ». Dans cette optique, l’augmentation exponentielle de la population conduit inexorablement à une augmentation fatale de la pollution et à la disparition des ressources naturelles de la planète. De ces premières tentatives, est née l’idée du calcul de « l’empreinte écologique » développée plus haut. Les estimations montrent que c’est aux alentours des années 70 que l’augmentation de population et le développement des activités humaines aurait fait basculer l’empreinte au-delà du seuil d’équilibre d’une planète. Depuis ce temps, nous vivrions en quelque sorte « à crédit » par rapport au « capital » planétaire.
Face à ce constat la solution proposée par le rapport « Meadows » est la croissance Zéro, le maintien d’un « équilibre global » d’une société stable. « La population et le capital sont les seules grandeurs qui doivent rester constantes dans un monde en équilibre. Toutes les activités humaines qui n’entraînent pas une consommation déraisonnable de matériaux irremplaçables ou qui ne dégradent pas d’une manière irréversible l’environnement pourraient se développer indéfiniment. En particulier, ces activités que beaucoup considèrent comme les plus souhaitables et les plus satisfaisantes : éducation, art, religion, recherche fondamentale, sports et relations humaines, pourraient devenir florissantes ».
Pour y parvenir le rapport prône un arrêt de la croissance dans les pays les plus développés au profit des pays en voie de développement.
Avec le rapport Meadows, nous sommes encore dans une logique de confrontation et non de conciliation entre l’écologique et l’économique. Il est cependant intéressant de noter que dans l’approche retenue par le rapport, croissance économique et développement ne sont plus confondus. En effet le rapport prône un développement centré sur d’autres valeurs que la production de biens.
Les conclusions du rapport seront largement reprises et diffusées par les ONG nouvellement constituées.

7. Les années 70 ... Une prise en compte des aspects sociaux et environnementaux du Développement

Le premier Sommet de la Terre, la première conférence des Nations Unies sur l’Homme et son milieu a lieu en 1972 à Stockholm. Les pays du Sud y revendiquent leur droit à se développer et arguent du fait que les problèmes d’environnement sont causés par le sous-développement. Ils obtiennent que soit affirmé, dans la déclaration de Stockholm, leur droit à se développer « en tenant compte de leurs priorités et de la nécessité de préserver et d’améliorer l’environnement ».
La Conférence de Stockholm marque un tournant historique dans l’approche du développement.
C’est au cours de la préparation de la conférence, lors d’un colloque organisé à Founex, en Suisse, pour travailler sur l’hypothèse que l’environnement ne constitue pas un obstacle au développement que va germer l’idée d’un autre mode de développement. Le concept d’éco-développement naît dans les couloirs du colloque, des discussions entre Maurice Strong, alors Secrétaire Général de la Conférence de Stockholm, et Ignacy Sachs, socio-économiste, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Ignacy Sachs Propos receuillis de Ignacy SACHS en juin 1998)
Le Programme des Nations Unies pour le Développement, le PNUD et Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le PNUE, dont Maurice Strong sera le premier Directeur exécutif, sont lancés. Leurs travaux aboutiront, vingt ans plus tard, aux propositions adoptées, en 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio.

 
Référence webographique

MORIN, Edgar. Rapport « Les sept savoirs nécessaires à une éducation du futur ». In 'Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). [consulté le 11/01/2008] http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf

Référence webographique

Comité français pour l'UICN (Union Mondiale pour la Nature). Comité français pour l'UICN (Union Mondiale pour la Nature). [consulté le 14/01/2008] http://www.uicn.fr/

Référence webographique

WWF. Organisation mondiale de protection de l'environnement. [consulté le 14/01/2008] http://www.wwf.fr/

Référence webographique

Les Amis de la terre. Décidons du monde que nous voulons. [consulté le 11/01/2008] http://www.amisdelaterre.org/

Référence webographique

Greenpeace France. Greenpeace France. [consulté le 11/01/2008] http://www.greenpeace.org/france/

Référence webographique

Université de Paris 12 Val de Marne. Propos receuillis de Ignacy SACHS en juin 1998. [consulté le 14/01/2008] http://www.univ-paris12.fr/1134767328300/0/fiche___article/