De tous les aléas naturels, l’inondation - que l’on peut définir comme une submersion temporaire, rapide ou lente et naturelle ou artificielle, de zones habituellement hors d’eau – est celui qui est le plus courant et présente le plus de facettes. Les inondations ont toujours eu un caractère magique ou religieux et les zones inondables ont toujours été des territoires aussi contraignants qu’attractifs. Selon les zones climatiques, les cultures et les époques, les inondations sont tantôt considérées comme une contrainte qui limite les capacités d’aménagement des sociétés humaines et leur confort de vie (en particulier dans les pays de la zone tempérée sans pénurie d’eau) ou comme un bienfait et un besoin vital qui conditionne l’économie et le bien-être des populations (en zone semi-aride, que serait par exemple l’Egypte sans les crues du Nil ?). Depuis des siècles et surtout depuis quelques décennies dans les pays développés, l’homme s’est persuadé que la toute puissance de la technique visant à contrôler la rivière pouvait éradiquer le risque, laissant libre cours à l’intensification de l’utilisation des plaines inondables, au mépris des règles environnementales élémentaires.
De ce fait, les inondations représentent aujourd’hui un danger pour les biens et les personnes dans la plupart des régions du globe. La récurrence des inondations de ces dernières années a mis en exergue la croissance continue de la vulnérabilité donc des dommages [On entend par dommages : le coût financier des biens matériels sinistrés et indemnisés par les assurances.]. Ils affectent durablement les économies locales voire nationales malgré des politiques de prévention complétées et renforcées au fil des événements.
En effet, les inondations sont au premier rang des catastrophes naturelles dans le monde : ce sont les plus fréquentes et les plus coûteuses en terme de souffrance humaine et de pertes économiques. A l’échelle mondiale, plus de 500 millions de personnes sont affectées par les inondations dont 400 millions en Asie et plus de 25 000 en périssent chaque année . Rien qu’en Europe entre 1998 et 2006, les inondations causèrent quelques 700 morts, le déplacement de 500 000 personnes et au moins 25 milliards d’euros de pertes économiques couvertes par les assurances.
L’inondation est également un risque naturel majeur. Sont considérés comme risques naturels majeurs en France : inondations, avalanches, mouvements de terrain, feux de forêt, cyclones, tempêtes, séismes, éruptions volcaniques.] de premier ordre en France : 74 % des communes exposées à un risque naturel sont soumises aux inondations, lesquelles représentent 80% des dégâts produits par l’ensemble des catastrophes naturelles, soit un coût des dommages d’environ 250 millions d’euros par an . Les scénarios catastrophes donnent des montants plus importants encore : 12 milliards d’euros de dommages directs pour une inondation type 1910 affectant la région parisienne .
Qu’en est-il de l’avenir ? Les projections font état de quelque 2,5 milliards de personnes qui seraient vulnérables à des inondations catastrophiques en 2050 du fait de la perspective de croissance démographique dans les zones inondables, des changements climatiques, de la hausse du niveau des mers et de la déforestation .
La prise de conscience collective de l’impact des activités humaines sur l’aggravation des inondations et la reconnaissance des aspects bénéfiques des inondations « ordinaires » contribuent à modifier l’approche traditionnelle de la gestion des risques d’inondation. C’est ainsi que, dans les pays développés en particulier, les événements d’inondation sont élevés au rang de « phénomènes de société ». Au regard des enjeux économiques et environnementaux actuels, la gestion des risques d’inondation prend une dimension politique nouvelle. Les décideurs reconnaissent progressivement la nécessité de mieux prendre en compte le phénomène au sein des politiques d’aménagement du territoire et de développement économique, dans une démarche de développement durable.
La gestion des « situations à risque » selon cette nouvelle approche sera vitale pour les prochaines décennies en particulier sur certains territoires « fragiles » subissant une forte pression anthropique (démographique, touristique, etc.) et/ou exposés aux conséquences prévisibles des changements climatiques (littoraux, montagnes, villes, …). Une connaissance précise du fonctionnement des hydrosystèmes [le concept d’hydrosystème fluvial succède à celui de système fluvial qui considérait le cours d’eau comme un continuum fluvial où le transit des flux d’eau et de sédiments s’effectuait essentiellement dans une seule dimension amont-aval. Le concept d’hydrosystème considère une portion de l'espace où les échanges (eau, sédiments, énergie) entre le cours d’eau et son environnement se font dans les trois dimensions (amont-aval, transversal chenal-plaine alluviale, vertical surface-compartiments souterrains).], des événements pluviométriques et autres à l’origine des crues et des inondations, ainsi que des territoires concernés par les interactions entre l’hydrosystème et certaines activités humaines susceptibles d’accroître les inondations, est essentielle pour estimer l’ampleur des enjeux liés aux inondations et se préparer dans les meilleurs conditions aux perspectives du 21ème siècle.