Contexte et enjeux associés aux choix de l’agriculteur

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’accroissement des échanges, les progrès techniques, la diminution du prix des intrants, l’évolution du machinisme agricole et la croissance de la demande ont favorisé la modernisation de l’agriculture française, permettant ainsi l’autosuffisance alimentaire et une forte croissance de la production. Ces éléments ont également conduit à des substitutions entre terre et capital, initiatrices de pressions, à l’instar de celles liées à l’élevage hors sol.

La Politique Agricole Commune européenne a aussi structuré très largement l’évolution de l’agriculture et la lien externe politique agricole nationale. Les réformes successives (1992 et de 1999) ont permis d’intégrer progressivement les préoccupations environnementales. Cependant la faible part des aides agro-environnementales dans les budgets, la dispersion des mesures sur le territoire et l’utilisation au sein d’une même politique d’instruments aux objectifs et effets antagonistes – favorisant, d’une part, une intensification de l’agriculture et, d’autre part, la protection de l’environnement – n’ont finalement pas permis d’inverser significativement les tendances par rapport à l’environnement.

Une réorientation de la PAC en Europe est actuellement à l’œuvre et l’environnement a été affiché comme l’un des objectifs de cette réforme. Les accords de Luxembourg de 2003, caractérisés par un découplage des aides de la production, introduisent plusieurs outils intéressants concernant l’environnement : la conditionnalité des aides au respect d’exigences environnementales, la possibilité d’augmenter les montants alloués aux mesures de développement rural (parmi lesquelles figurent des aides environnementales) et plus généralement aux types d’agriculture favorables à l’environnement.

De même, l’articulation entre politique environnementale et activités agricoles peut être développée. D’une part, les politiques agricoles, qui, à l’instar des politiques foncières, visent plusieurs objectifs à la fois, n’ont pris en compte que progressivement l’environnement et ne lui ont pas accordé assez de place. D’autre part, les politiques à visée environnementale qui se préoccupent d’abord des réponses à apporter par domaine (eau, air, nature...) ont longtemps abordé l’agriculture dans le seul but de limiter ses impacts négatifs sur l’environnement.

Dans ces différents domaines, l’utilisation de la réglementation a été souvent privilégiée. Elle interdit ou limite l’utilisation de certain produits (phytosanitaires), encadre les prélèvements de ressource (ressources en eau) ou les quantités de produits polluants utilisables (pour la pollution de l’eau d’origine azotée par exemple) ; elle définit aussi dans certains cas des zones auxquelles sont attachées des prescriptions particulières. La réglementation est nécessaire mais elle a montré certaines limites dans le domaine agricole : sa mise en œuvre butte souvent sur une insuffisance des contrôles (par exemple pour l’épandage d’azote organique).

Ses contournements possibles limitent son efficacité. La réglementation peut également s’avérer peu adaptée pour prévenir l’apparition de situations de crise, en matière de ressources en eau, par exemple. Il existe aussi des instruments économiques tels que les taxes ou redevances environnementales qui peuvent inciter les agriculteurs à modifier leurs comportements. Mais ces taxes sont pour l’instant limitées aux produits phytosanitaires et aux prélèvements d’eau et leurs taux sont faibles au regard des dommages occasionnés, ce qui limite leur impact sur les comportements.

Par ailleurs, des mesures contractuelles basées sur une coordination des agriculteurs et sur des contrats d’adoption volontaire de modification des pratiques ont dans certains cas donné des résultats encourageants sur le plan environnemental : pouvant être plus facilement adaptées aux problématiques locales, elles nécessitent toutefois pour être efficaces qu’un nombre suffisant d’agriculteurs adhère à la démarche.

Si les pratiques agricoles peuvent intégrer ces services environnementaux sous l’effet des politiques environnementales ou agricoles et limiter leurs impacts négatifs sur l’environnement, le consommateur peut aussi révéler ses attentes environnementales par le biais d’une valorisation accrue des produits issus de modes de production respectueux de l’environnement.

Les nouvelles perspectives offrent aussi un rôle important à l’agriculture vis à vis de l’environnement en réduisant l’impact environnemental d’autres secteurs économiques par le biais des biocarburants ou des produits issus de la « chimie verte » (voirlien externe  ressource).

Enfin, en termes de prospective, les relations entre l’environnement et l’agriculture pourraient être fortement modifiées par l’émergence des problèmes environnementaux globaux, au premier rang desquels figurent les effets du changement climatique (cf : module "Changement Climatique"). Les progrès techniques avaient permis à certaines activités agricoles d’être moins dépendantes de certaines situations, telles que la qualité des sols, la disponibilité de l’eau ou les pressions parasitaires. Le changement climatique induit par l’accroissement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, pourrait accroître à nouveau la sensibilité de l’agriculture à l’environnement en créant des situations inédites : modifications des zones de cultures, apparition de nouveaux parasites, accroissement des rendements mais aussi des risques associés, successions de périodes de sécheresse et de pluies orageuses provoquant des érosions et des inondations, réduction possible enfin des conditions d’irrigation dans certaines régions du sud de la France.

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Crédits:
Jean-Marc DOUGUET, chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Philippe LETERME, professeur à Agrocampus Rennes