Sources de pression de l’agriculture sur l’Environnement : les risques liés aux engrais azotés

Généralement, on définit le risque comme la possibilité de survenance d'un dommage résultant d'une exposition à un danger ou à un phénomène dangereux. Le risque est la combinaison de la probabilité d’occurrence d’un événement redouté (incident ou accident) et la gravité de ses conséquences sur une cible donnée. Dans le cadre de l’agriculture, il existe un certain nombre de risques intervenant au niveau de l’utilisation d’intrants (engrais, produits phytosanitaires) dans le système de production agricole, de la dissémination des gènes (du fait de l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés par exemple), de la biodiversité, de l’érosion des sols, de la sécurité alimentaire, de la santé publique…

L’impact sur l’environnement de certaines pratiques agricoles n’a donné lieu que tardivement à une prise de conscience généralisée. L’agriculture, grande utilisatrice de biens environnementaux tels que l’eau ou le sol, est aussi créatrice de certains d’entre eux comme la diversité des habitats et des paysages.

Mise en évidence il y a plus dans les années, la réelle prise de conscience de la pollution de l'environnement par les pouvoirs publics et les acteurs économiques intervient surtout à partir de la fin des années 80. La dégradation de cette dernière est liée à la présence d'activités humaines qui souillent l'eau utilisée ou déversent dans le milieu naturel des substances polluantes. Les rejets peuvent être domestiques, caractérisées par la présence de bactéries pathogènes, de matières en suspension, de matières organiques (azote, phosphore), industriels (industries agro-alimentaires, sous-produits des industries chimiques et traitement de surface) ou liés à l'activité agricole. C'est ce dernier point que nous allons développer du fait de sa prédominance.

Les dommages environnementaux restaient souvent perçus comme le prix à payer des gains de productivité de l’agriculture. Et rétrospectivement, ces gains de productivité ont été impressionnants : d’une situation de pénurie et de dépendance alimentaire après la guerre, la France est devenue première productrice en Europe de produits agricoles, et deuxième exportatrice dans le monde. Cette croissance a été acquise par la concentration et la spécialisation des exploitations, avec le remembrement et une augmentation de l’utilisation d’intrants (produits phytosanitaires, engrais...).

Vraisemblablement, de par la visibilité de leurs impacts, la principale source de pollution dénoncée fut les nitrates. En effet, cette pollution se caractérise par des phénomènes d'eutrophisation (occasionnant une moindre oxygénation des milieux naturels), le développement des marées vertes. Exemple significatif de l'ampleur de la dégradation de l'environnement liée aux nitrates, la Bretagne est classée dans son ensemble en zone vulnérable selon la directive européenne "Nitrates (n°91/676, du 12 décembre 1991) et, en 2000, 71 cantons sont répertoriés comme des Zones d'Excédents Structurels (ZES), c'est-à-dire des zones sur lesquelles plus de 170 kg d'azote d'origine animale sont apportés par hectare (voir lien externe ressource).

Les sols sont également exposés au risque d'eutrophisation lorsque la quantité excessive de substances nutritives entraîne la raréfaction de l'oxygène dans les sols et empêche donc les micro-organismes naturels de fonctionner correctement.
Les nitrates proviennent en grande partie de l'agriculture sous forme de déjections animales (bovins…) et d'engrais de synthèse, et des rejets industriels et domestiques. Au centre du problème des nitrates, la fertilisation excessive. Elle correspond en réalité à deux problèmes :

Si les techniques agronomiques peuvent améliorer l'adéquation entre le rendement visé et celui qui est réalisé, des paramètres extérieurs peuvent à tout moment limiter la récolte par rapport aux aspirations, même si elles avaient été données sur des mesures sérieuses. A l'augmentation de la dose d'azote s'ajoutent deux autres causes de montée des nitrates dans les eaux : l'évolution des pratiques agricoles (comme le drainage, la mise à nu des terres en hiver) et un enrichissement des terres en azote minéralisable. C'est donc la logique même de l'agriculture intensive qui est au cœur du problème.

Crédits:
Jean-Marc DOUGUET, chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Philippe LETERME, professeur à Agrocampus Rennes