Crues torrentielles et avanlanches : connaissance de l’aléa

La connaissance de l’aléa est la première clé d'une bonne gestion du risque d'avalanche. L’expérience, l’observation du terrain et l’analyse des données historiques ont constitué une première étape permettant de mieux connaître l’aléa. Conscient de la disparition progressive des mémoires, des indices et des informations sur les événements après leur occurrence, l’Etat français, représenté par les Ministères de l’Agriculture puis de l’Environnement, a d’ailleurs mis en place deux dispositifs originaux complémentaires permettant d’enregistrer les phénomènes d’avalanches.

Commencée en 1900, l’EPA (Enquête Permanentes sur les Avalanches) inventorie systématiquement les événements sur 4400 sites sélectionnés dans les 11 départements des Alpes et des Pyrénées, grâce à un réseau d’observateurs de l’ONF. Plus de 80000 événements sont actuellement décrit dans une base de données gérées par le Cemagref.

Un deuxième dispositif a été initié à la suite de l’avalanche catastrophique de Val d’Isère en 1970 : la Carte de Localisation des Phénomènes d’Avalanche (CLPA) est un inventaire cartographique des sites d’avalanches. Sont reportés sur la carte les enveloppes des emprises des événements passés connus, grâce à un recueil de témoignages auprès des populations et des services complété par une photo-interprétation. Plus de 750 000 ha ont été étudiés, avec le report de plus de 15 000 emprises d’avalanche.

Leurs données sont organisées en base de données, et sont consultables sur le sitelien externe  www.avalanches.fr. Il faut souligner que ces programmes d'observation des avalanches conduits par le Ministère chargé de l'environnement, l'ONF et le Cemagref concernent la prévention des risques d'avalanches pour les lieux urbanisés et les voies de communications, mais attention, ils ne sont pas adaptés aux besoins des skieurs et des pratiquants de la montagne.

Plus récemment les modélisations statistiques, physiques (sur maquette) puis numériques sont venues compléter l’étude historique et l’analyse géomorphologique. Ces approches permettent d’une part de mieux connaître le phénomène et d’autre part de pouvoir définir plus précisément des scénarios dits de référence, contre lesquels la collectivité va chercher à se protéger. Suivant les réglementations la période de retour prise en compte pour l’aléa relevant de la sécurité des biens peut être différente : cent ans en France pour les avalanches contre trois cent ans en Suisse par exemple.

La modélisation statistique a d’abord été utilisée sous la forme de relations empiriques permettant de prédire la distance d’arrêt des avalanches extrêmes à partir des caractéristiques topographiques du site étudié (Lied, K., Bakkehoi, S., 1980). Elle permet maintenant d’encadrer les modèles numériques de propagation de façon à établir des cartes d’aléa probabilisé (Meunier, M., Ancey, C., 2004).

La modélisation physique vise à reproduire sur un modèle réduit le phénomène. Ainsi, les avalanches de neige poudreuse sont modélisées par des courants de gravité (lien externe écoulement d’un fluide lourd (de l’eau salée par exemple) dans un fluide léger (de l’eau pure)). Les avalanches de neige dense peuvent être modélisées par des lien externe écoulements granulaires. Les laves torrentielles boueuses sont simulées par des fluides viscoplastiques modèles comme des lien externe dispersions argileuses ou des gels aqueux. Le passage de la maquette à la réalité se fait ensuite par l’intermédiaire de critères de similitude issus de l’adimensionalisation des équations régissant la dynamique de ces écoulements (conservation de la masse et de la quantité de mouvement, lois de comportement des différents matériaux en jeu). La modélisation numérique permet de résoudre ces équations via des méthodes numériques adaptées et une discrétisation de l’espace (pour les lien externe avalanches et pour la lien externe lave). Toutes ces méthodes de modélisation permettent d’obtenir aujourd’hui des simulations relativement réalistes de la propagation et de l’arrêt des écoulements gravitaires (avalanches de neige, laves torrentielles, charriage). Dans un contexte de protection et de gestion du risque, ce type de simulation est bien évidemment très utile. Pour autant, de nombreuses inconnues subsistent encore quant à la physique de ces phénomènes. Les processus de formation et de déclenchement des écoulements, en particulier, restent très mal compris. De même, la rhéologie des matériaux impliqués (boue, matériaux granulaires, neige) ainsi que les interactions d’érosion-dépôt entre ces écoulements et leur substrat font toujours l’objet de recherches actives.

Crédits:
Florence NAAIM, chercheur au CEMAGREF