Introduction
Toutes les sciences s’appuient sur des modèles qui leurs sont propres. Les sciences physiques par exemple ont pour objet d’étudier la matière, avec des modèles de représentation des phénomènes s’y rapportant et les lois associées. Les modèles ne sont qu'une représentation de la réalité.
Il est donc important de définir l’objet de l’étude et les modèles se rapportant aux risques et proposer ainsi un cadre théorique à l’étude des risques. En France, des concepts nouveaux ont été proposés dans ce cadre :
- la Méthodologie d’Analyse des Dysfonctionnements des Systèmes (MADS),
- les Cindyniques.
Le concept des cindyniques a été développé essentiellement sous l’impulsion de Kervern . Ce paragraphe décrit les principes fondateurs de ce concept. Les aspects théoriques sont détaillés dans l’ouvrage de référence de Kervern
. L’application des cindyniques a été explorée notamment par Verdel
dans le domaine du génie civil.
Cette méthode repose sur la notion d’hyperespace de danger. La situation de danger doit être précisée lors d’une première étape de l’étude. Cette situation doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Les réseaux d’acteurs inclus dans l’étude doivent être connus.
Le regard qui est porté sur la situation de danger peut se faire par référence aux 5 dimensions de danger qui constituent l’hyperespace du danger :
- la dimension des faits de mémoires de l’histoire et des statistiques : il s’agit des informations stockées dans les banques de données qui exploitent le retour d’expérience,
- la dimension des représentations et modèles élaborés à partir des faits : elle regroupe les connaissances qui servent d’appui aux calculs permettant de quantifier le risque (domaines de la physico-chimie, de la résistance des matériaux, des sciences de la terre,…),
- la dimension des objectifs qui permet, pour chacun des réseaux (personnes ou groupe de personnes) impliqués dans les situations à risque, d’expliciter ses finalités,
- la dimension des normes, lois, règlements, standards et codes déontologiques,
- la dimension des systèmes de valeurs fondamentales.
Hyperespace du danger

Le danger résulte d’une part des déficits dans chacune de ces dimensions (les déficits systémiques cindynogènes) et des contradictions entre les dimensions (disjonctions) mais également des dissonances entre deux ou plusieurs réseaux d’acteurs.
L’objectif de cette méthode est de rechercher l’ensemble des déficits systémiques cindynogènes de l’organisation qui peuvent générer un danger. Ces déficits sont au nombre de dix. Ils ont été constitués à partir d’enquêtes post-accidentelles). Ces déficits sont regroupés en trois grandes familles :
- déficits culturels : cultures de l’infaillibilité, du simplisme, de la non communication et du nombrilisme ;
- déficits organisationnels : la subordination de la sécurité à d’autres fonctions créatrices de risque et la dilution de responsabilités ;
- déficits managériaux : l’absence d’un système de retour d’expérience, l’absence de procédures écrites, l’absence d’un programme de formation du personnel et l’absence de préparation aux situations de crise.
Kervern . décrit les différentes situations précédent des accidents technologiques majeurs (catastrophe de Bhopal en décembre 1984, accident de la navette Challenger en janvier 1986 et catastrophe de Tchernobyl en avril 1986) et met ainsi en relief de nombreux déficits systémiques cindynogène.
La démarche d’identification des risques à l’aide du concept des cindynique consiste à :
- définir la situation de danger : préciser le champ de l’étude à savoir les limites de temps et d’espace et les réseaux d’acteurs inclus dans l’étude ;
- définir l’hyperespace de danger : préciser le « regard » porté sur cet ensemble à travers les cinq dimensions citées précédemment (associer à chaque réseau d’acteurs un état des lieux des cinq dimensions) ;
- identifier les déficits : pour chaque acteur, identifier les déficits systémiques cindynogènes mentionnés précédemment ;
- identifier les dissonances : les différences entre les hyperespaces des différents réseaux d’acteurs, les différences entre les hyperespaces tels qu’ils sont, tels qu’ils sont perçus et/ou voulus (entre le réel et la perception que les acteurs en ont).
Verdel indique que cette démarche offre un fort potentiel pour l’identification des risques au sein des organisations (industrielles, commerciales, administratives ou encore institionnelles). Elle est en effet plus générale et englobante et donc plus facile à mettre en œuvre pour des systèmes non technologiques.