Réchauffement climatique : s’adapter aux évolutions climatiques et biologiques de fond

Parlant d’adaptation, intéressons nous aux écosystèmes en passant par le monde agricole pour la France ; en effet, les évènements extrêmes ne sont pas les plus importants : ce qui pèse le plus lourd est plutôt l’évolution rapide du fond du climat : il s’agit de vitesses de changement 100 fois plus élevées qu’un rythme « habituel » pour les espèces vivantes. Or beaucoup d’équipements, d’organisations, de processus ont été conçus et optimisés dans un climat sympathique, tempéré, dans lequel les évènements météorologiques, sauf exceptions, étaient de plus en plus prévisibles en nature et en ordre de grandeur.

Les écosystèmes vont-ils savoir migrer vers le nord ou en altitude à cette vitesse ? Comment vont-ils être capables de s’adapter notamment si le territoire comprend beaucoup de barrières artificialisées : grandes zones urbaines ou larges surfaces d’agriculture monospécifique très imprégnée chimiquement (et donc pauvre en diversité adaptative) ? Il y a toute une structuration à réaliser pour l’aménagement du territoire, afin de permettre à une nature déjà fragilisée par ailleurs, notamment par la pollution chimique et l’absence de gestion raisonnable, d’encaisser cela et nous permettre de continuer à profiter des services écosystémiques dont nous avons absolument besoin, aussi bien pour la nourriture que pour l’eau, le tourisme, ou notre propre existence..

Cette migration vers le nord s’observe également dans le domaine maritime, où le plancton migre à mesure que la température monte : pour un degré, les espèces en Atlantique, Manche et Mer du Nord ont, suivant les cas, migré de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres, voire se sont enfoncées dans les profondeurs, en suivant leur nourriture qui elle-même réagissait immédiatement.

Conclusion : nous devons penser cette transition climatique, violente en tout état de cause, en termes de vulnérabilité ou de robustesse. Comment organiser la robustesse de nos territoires, de nos activités par rapport à des modifications assez rapides pour lesquelles, lorsque nous les prenons les unes après les autres, nous pouvons imaginer des réponses, mais qu’il va falloir gérer en cohérence les unes avec les autres ? Il ne s’agit pas de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » sinon, l’ensemble du territoire dysfonctionnerait. La situation pose question non seulement pour des secteurs économiques (nous pouvons penser bien sûr au tourisme, au ski de moyenne montagne, aux littoraux) mais aussi à la répartition des budgets publics et privés : réparation et prévention prendront beaucoup plus d’importance. Nous devons faire appel aux scientifiques et aux ingénieurs, mais aussi aux sociologues, pour comprendre vite à quoi nous pouvons nous attendre et ce que nous pouvons faire techniquement et collectivement. Ceci pour dire que, vu les perspectives vraisemblables avec « seulement » 2°C de plus pour la température du globe, il n’est pas étonnant que le Conseil européen ait adopté en 2002 comme objectif politique, d’essayer d’éviter de dépasser la température maximale que l’humanité ait apparemment connue, c’est-à-dire 2°C d’élévation de la température : 450 ppm de CO2, c'est-à-dire 550 ppm pour tous les gaz, mesurés en CO2 équivalent. Nous sommes à 380.

Crédits:
Dominique DRON, Professeur à l’Ecole des Mines de Paris – CEP