Réchauffement climatique : l’histoire des prochaines décennies

Si nous essayons de caler dans le temps les étapes énergétiques et climatiques aujourd’hui prévisibles du siècle qui vient, nous obtenons ceci.

L’origine, c’est maintenant : nous sommes en 2007, année 0. Le pic pétrolier quelque part entre 2005 et 2030, prenons à titre d’exemple 2020. Le pic gaz sera dix ans plus tard au plus, vers 2025 l’Europe sera dépendante de l’extérieur à 70 % pour sa consommation énergétique. 2050, c’est l’horizon de réalisation du facteur 4 et c’est aussi le moment où la température en France sera, selon le scénario où nous serons, plus élevée de 1,5 à 3°C. En 2100, le pronostic de température est plus élevé, mais sans doute moins que ce que nous pourrions nous attendre des hautes fourchettes de scénario, du fait du refroidissement atlantique : la température n’en continue pas moins de monter.

Nous voyons donc qu’une grande part des décisions que nous prenons aujourd’hui portent sur des durées de vie qui relèvent beaucoup plus de ce nouveau monde que de celui d’où nous venons.

Durées de vie de différentes réalisations humaines

Crédits: D. Dron, d’après notamment données GIEC 2005

Je pense d’abord aux infrastructures de transport : quand nous construisons une route, un aéroport, une voie ferrée, cet équipement dure bien plus d’un siècle, et a fortiori la structuration induite du territoire et de ses villes. Il suffit de penser aux voies romaines…. Je me suis arrêtée à 120 pour les besoins du graphique. Les bâtiments dureront au moins trois quarts de siècle : un bâtiment va donc devoir passer le pic pétrole, le pic gaz, satisfaire au facteur 4, et ce avec un climat plus chaud - avec ce que cela signifie en termes d’efficacité énergétique- ; il passera en fait le plus clair de son temps dans ce monde nouveau. Même chose donc pour l’infrastructure de transport qui devra être utile dans un monde pas forcément privé de pétrole, mais en tout cas avec un accès au pétrole extrêmement restreint. Or vous savez que les transports dépendent aujourd’hui à 97 % du pétrole, et resteront majoritairement dépendants des moteurs à combustion pendant au moins trente ans. Lorsque vous plantez une forêt, suivant que ce sont des résineux ou des feuillus, vous en avez pour entre 60 ans et un siècle pour que l’opération soit rentable. Pour les implantations industrielles lourdes, c’est 40 ans au moins, et elles devront également passer le pic pétrolier et le pic gazier.

En ce qui concerne le nucléaire, si le nombre de réacteurs mondiaux croissait très rapidement, ce serait avec les technologies actuelles (la « génération 4 » ne serait sans doute industrialisable que d’ici 30 ou 40 ans), il y aurait aussi des tensions sur l’accès à l’uranium dans ce demi-siècle..

Pour la France, le premier poste d’émission de gaz à effet de serre est celui des transports, puis à peu près à égalité : le bâtiment, l’industrie manufacturière et l’agriculture. Pour l’énergie, nous en consommons une moitié dans nos usages domestiques, chauffage du logement, électricité domestique, usage de la voiture, une autre moitié dans la fabrication et le transport des produits et services que nous achetons et utilisons, dont le chauffage au travail qui fait partie du bâtiment.

Graphiquement, le problème du "facteur 4" semble impressionnant. La bonne nouvelle est que nous saurons le faire ; mais nous devons aller vite.

Crédits:
Dominique DRON, Professeur à l’Ecole des Mines de Paris – CEP