Impact environnemental des tsunamis

Malgré les catastrophes retentissantes du XIX siècle (36 000 morts au Krakatau en 1883 et 26 000 à Honshu en 1896), il faudra attendre la seconde moitié du XX siècle pour voir apparaître des publications scientifiques sur les tsunamis, sous l’impulsion des Japonais. Les tsunamis majeurs de ces dernières années ont eu un impact médiatique et scientifique important. Le Japon fait figure de leader, à la fois en matière de modélisation des tsunamis, de prévision et de protection des zones exposées. Seule l’aire Pacifique bénéficie actuellement d’un réseau de surveillance international.

Les tsunamis de Hawaii en 1946 et du Chili en 1960 ont en effet précipité la création de l’International Tsunami Warning System (ITWS) et de l’International Tsunami Information Center (ITIC), dont l’objectif est de détecter, localiser et déterminer la magnitude des tsunamis d’origine sismique. Son organisation est basée sur des centres de surveillance régionaux, au rang desquels le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC, 26 États-membres) est le plus actif. Ces centres sont administrés par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, Honolulu) et bénéficient des données sismiques de l’U.S. Geological Survey (USGS). L’intérêt d’une collaboration internationale est de centraliser les données fournies en temps direct par un ensemble de stations sismiques, de marégraphes et un réseau de bouées flottantes détectant les variations de la pression de l’eau en profondeur (DART : Deep-Ocean Assessment and Reporting on Tsunamis). Les populations vivant à plus de 750 km de l’épicentre sont ainsi prévenues une heure avant l’arrivée du tsunami.

Des systèmes d’alerte régionaux comme l’Alaska Tsunami Warning Center (ATWC), le French Polynesia Tsunami Warning Center (FPWC, Tahiti) ou le Tsunami Hazards Reduction Utilizing Systems Technology (THRUST, Valparaiso), ont été mis en place afin de donner l’alerte 10 à 12 minutes après un séisme, pour les populations situés entre 100 et 750 km. Au Japon, le système Ocean Bottom Seismograph (OBS) permet de détecter les séismes en pleine mer à l’aide de 180 sismographes, 103 marégraphes (dont 6 sont télémétrés) et de capteurs des variations de pression exercée par l’eau, à 2 200 m et 4 000 m de profondeur. Pour ce dernier système, les signaux générés par les marées et les signaux parasites qui modifient la pression de l’eau (changements de température) sont effacées à l’aide de filtres de différentes fréquences. Les données sont transférées toutes les 20 secondes par câble à des stations de surface, puis par téléphone au Tsunami Warning Center de la Japan Meteorological Agency (JMA, Tokyo).

Au Japon, un séisme devient tsunamigénique à partir de 7 degrés sur l’échelle de Richter. Une magnitude de 7,5 entraîne généralement un tsunami de plusieurs mètres d’amplitude. Cas unique au monde, la prévention est fondée sur une modélisation numérique spatialisée de la propagation des ondes. À partir de 4 000 sites de séismes sous-marins potentiels, plus de 100 000 cas scénarios de tsunamis ont été programmés. En cas de séisme, la recherche de la simulation la plus proche de la réalité s’effectue en seulement une minute trente. Les populations situées à moins de 100 km du séisme sont alertées deux à trois minutes avant l’arrivée du tsunami.

Le tsunami de Flores en décembre 1992 et surtout celui de décembre 2004 à Aceh ont joué un rôle moteur dans la sensibilisation des communautés politiques et scientifiques et entraîné une véritable prise de conscience des autorités indonésiennes. Les derniers tsunamis ayant frappé l’Indonésie (1992, 1994, 1996, 2004 et 2006) posent à la fois des problèmes scientifiques (par exemple : variations des hauteurs de vagues, nombre de vagues différent suivant les endroits ; déferlement parfois à la côte, parfois dans les terres), politiques et sociaux (manque de prévision et de prévention), et environnementaux.

Bien avant le tsunami du 17 Juillet 2006, celui de 1994 qui avait touché le sud de Java avait déjà révélé des lacunes dans le domaine de la gestion et de la prévention du risque : télécommunications défaillantes, voies de communication en mauvais état, manque de matériel destiné aux réfugiés, distribution des vivres inégalement répartie, manque de prévention envers les populations et manque d’expérience des autorités. L’accent a été mis sur la surveillance sismique. Le réseau de sismographes TREMORS, crée en 1996 et géré par le BMG (Meteorological and Geophysical Agency), est opérationnel 24h/24. La nouvelle du séisme du 26 décembre 2004 fut transmise instantanément aux autorités indonésiennes et diffusée sur une chaîne de télévision nationale (Metro TV) cinq minutes avant l’arrivée du tsunami sur les côtes de Banda Aceh. L’Indonésie demandait depuis plusieurs années un système d’alerte, jugé alors trop coûteux. Mais c’est surtout l’absence de politique de prévention auprès des populations et d’aménagements des littoraux qui expliquent l’ampleur de la catastrophe.

La moitié des tsunamis ayant touché l’Indonésie ont causé des pertes humaines, contre 15 % seulement au Japon. Les travaux en matière de modélisation et de cartographie des risques, d’aménagement des littoraux et de prévention restent très limités en Indonésie et ne sont pas à la hauteur des risques encourus par ce pays, malgré les progrès récents en ce domaineLe tsunami du 26 décembre 2004 : chronologie et reconstitution de la catastrophe dans la région de Banda Aceh Sumatra, Indonésie..

Le tsunami du 26 décembre 2004 a touché une dizaine de pays dont certains situés à plusieurs milliers de kilomètres de l’épicentre du séisme. C’est le tsunami le plus meurtrier et la troisième catastrophe naturelle la plus meurtrière de tous les temps. L’Indonésie fut le pays le plus affecté par ce tsunami (180 000 victimes à Sumatra, dégâts chiffrés à 2 milliards de dollars, plus 300 km de côte dévastés).

Au-delà du retentissement médiatique, cet événement a confirmé un paradoxe crucial en matière de connaissance et de prévention du risque de tsunami : les apports scientifiques sont de plus en plus nombreux et la connaissance physique du phénomène progresse sans cesse, alors que les politiques de prévention sont la plupart du temps dérisoires et très inégales suivant les pays. Par ailleurs, les effets du tsunami sur la côte ouest de Sumatra, notamment l’impact géomorphologique, la destruction des écosystèmes (récifs coralliens, mangroves) et des cultures, ont mis en évidence le fait que la vulnérabilité n’est pas seulement socio-économique, mais aussi environnementale.

Crédits: Franck LAVIGNE, Maître de Conférence à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
 
Référence bibliographique

Lavigne F., Paris R., Grancher D., Wassmer P., Setiawan A., Syahnan, Gunawan T., Fachrizal, Waluyo, Cahyadi R., Flohic F., De Coster B., Mahieu L.. Le tsunami du 26 décembre 2004 : chronologie et reconstitution de la catastrophe dans la région de Banda Aceh Sumatra, Indonésie. . In : Lavigne F., PARIS R. (eds), 2006. Le tsunami du 26 décembre 2004 en Indonésie. Rapport scientifique du programme TSUNARISQUE (2005-2006).. Délégation Interministérielle pour l’aide Post-Tsunami (DIPT), Ambassade de France en Indonésie, 2006. 21-37.