L’impact de l’agriculture sur l’environnement (phénomène d’eutrophisation des rivières, de marées vertes…) et sur la santé humaine (développement de cancers, intoxication…) varie selon les caractéristiques géologiques, pédologiques, météorologiques… mais aussi en fonction des pratiques agricoles. Ainsi, par exemple, suivant les types de sols, le ruissellement des engrais azotés sera plus ou moins importants. De même, suivant les conditions de pulvérisation des pesticides, la volatilisation sera différente selon la présence ou non de vent, le dégrée d'hygrométrie… En ce qui concerne les impacts des pratiques agricoles, elles vont se différencier selon, par exemple :
- La quantité et les caractéristiques des intrants organiques (fumier, lisier…) et de synthèse tels que les pesticides et les engrais chimiques.
- Les pratiques limitant l'érosion et la dégradation des sols (le non-labour, la couverture végétale des sols, les haies…).
- La rotation des cultures sur un cycle plus ou moins long
- Les actions qui réduisent l'usage d'intrants et protégeant les ressources en eau (bandes enherbées autour des ruisseaux et rivières…).
- Le recours à des processus naturels et régénérateurs, comme les cycles nutritifs, la fixation biologique de l'azote, la reconstitution des sols et les ennemis naturels des ravageurs (les coccinelles contre les pucerons…).
- Les actions visant à réduire la production de déchets non réutilisés en créant des interdépendances avec d'autres activités économiques, dans un objectif de plus grande efficacité globale
- Les actions favorisant l'utilisation des sous-produits de l'activité agricole ou de toute autre activité (par exemple, utilisation de déchets humains (sécurisés/compostés ou méthanisés).
- Les actions visant à réduire l’usage de pesticides qui peuvent nuire à la santé des agriculteurs et des consommateurs et à la biodiversité.
Outre les caractéristiques physiques des zones agricoles, la question qui se pose est celle des bonnes pratiques agricoles. Elles sont définies comme un ensemble de règles à respecter dans l’implantation et la conduite des cultures de façon à optimiser la production agricole, tout en réduisant le plus possible les risques liés à ces pratiques, tant vis-à-vis de l’homme que vis-à-vis de l’environnement. En France, un « code national des bonnes pratiques agricoles », d'application volontaire en dehors des zones vulnérables, a été défini en application de la directive européenne « Nitrates ».
Le code ne traite explicitement que de la pollution des eaux par les nitrates issus des activités agricoles mais s’applique également pour les produits phytosanitaires. Il s'appuie sur les bases scientifiques et techniques existantes. L'objectif de ce code est de réduire les transferts de nitrates vers les eaux souterraines et de surface. Il a fait l'objet d'un arrêté du ministère de l'Environnement en novembre 1993. Le code comprend :
- un ensemble de recommandations sur l'épandage, le stockage des engrais de fermes dans les exploitations, la gestion des terres et de l'irrigation ;
- une base minimale pour les programmes d'action en zone vulnérable, prévus dans la directive « nitrate » ;
- un cahier des charges pour les différents opérateurs du monde agricole (institutionnels, distribution, etc.).
Par ailleurs, les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture ont mis en place en août 2000 un programme de réduction des pollutions par les produits phytosanitaires, afin de renforcer les contrôles réalisés sur ces derniers. Celui-ci prévoit des mesures au niveau national et au niveau régional. L’ensemble de ces orientations ont été traduites (et parfois anticipées dans un projet plus large d’évolution de l’agriculture) de manière différente selon les formes d’agricultures (voir tableau ci-dessous)
Formes d’agriculture | Pratiques agricoles | Mode d’Evaluation |
---|---|---|
Agriculture Biologique | Concerne toutes les productions Produits chimiques de synthèse interdits Rotations culturales longues Gestion des matières organiques (fumier…) | Cahier de charges par production Contrôle indépendants Certification Attribution de la marque AB |
Production Fermière | Concerne toutes les productions Matières premières issues exclusivement de la ferme Maîtrise et responsabilité du produit Transparence/consommateur Accueil du public Entretien de l’espace rural | Charte nationale des producteurs fermiers Cahiers de charges par produit et par terroir |
Agriculture Paysanne | Concerne toutes les productions Autonomie en protéines Réduction des intrants (engrais, pesticides) Rotations culturales longues Gestion des pâturages Produits fermiers Entretien de l’espace rural | Charte de l’agriculture paysanne Indicateurs socio-économiques Diagnostics agri-environnementaux |
Agriculture Durable | Concerne toutes les productions Réduction des intrants (engrais, pesticides) Rotations culturales longues Gestion des pâturages Autonomie en protéines Entretien de l’espace rural | Cahiers de charges par production Contrôles indépendants (dans certains cas) Certification (idem) Attribution de la marque agriculture durable (idem) |
Agriculture Raisonnée | Concerne toutes les productions Respect de la réglementation Cahiers d’enregistrement Locaux de stockage fermés Analyses des sols Réglage du matériel | Socle de recommandations Guides techniques professionnels Possibilité de contrôles externes |
Production Intégrée | Systèmes plus utilisés en Europe du Nord qu’en France La lutte biologique concerne l’arboriculture, la viticulture, les culture Bien-être animal Rotations culturales longues | Directives et recommandations Cahiers de charges par production· Agrément Label « Production Intégrée » |
Agriculture de Précision | Concerne les grandes cultures, l’arboriculture, la viticulture Nouvelles technologies de l’information Instruments de mesure électroniques (GPS, Système d’information géographique,…) | Evaluation par une gestion de la variabilité intra-parcellaire : correction, modulation, amélioration |
Compte tenu de la variété des pratiques agricoles et de la complexité d’évaluation de l’impact de ces dernières sur l’environnement et sur la santé humaine, un certain nombre d’ outils d’évaluation et de diagnostic ont été conçus. Ils visent à fournir un ensemble d’informations et d’indicateurs, permettant à l’agriculteur d’inscrire ces pratiques agricoles dans l’optique de la durabilité. Cependant, outre les difficultés liées à la nature des pressions (pesticides, engrais, irrigation…) ou des biens environnementaux tels que la biodiversité et les paysages, des problèmes d’échelles temporelles et géographiques entre les indicateurs des pressions agricoles et ceux de l’état des milieux, ainsi que l’influence importante des conditions climatiques rendent parfois délicates les interprétations. Des améliorations restent de ce fait nécessaires, concernant notamment les paysages, les sols et la biodiversité.
Jean-Marc DOUGUET, chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Philippe LETERME, professeur à Agrocampus Rennes