La science post-normale

Les travaux théoriques et empiriques sur le rôle de la science dans la gouvernance des enjeux du développement durable remettent en cause l'idée selon laquelle la recherche scientifique informe la politique via la production d'une connaissance fiable, valide et objective (Ravetz, 1971, Funtowicz and Ravetz, 1993, Wynne, 1992, Nowotny et al., 2001, Irwin, 2001, Funtowicz and Strand, in press).

Dans un contexte où les pressions politiques sont fortes, des valeurs sont contestées, les enjeux de décision et d'incertitudes concernant les systèmes éthique et épistémologique sont importants, de nouvelles pratiques scientifiques s'imposent, lesquelles sont appelées lien externe science post-normale (Funtowicz and Ravetz, 1993).

Les principales caractéristiques de la science post-normale sont : une gestion appropriée de l'incertitude; une reconnaissance de la pluralité de perspectives concernant les problèmes; et une extension de la communauté de pairs aux acteurs non scientifiques. A l'heure actuelle, de plus en plus de parties (industries, académies, ONG, groupes d'intérêts, experts non scientifiques, journaux d'investigation etc.) produisent de la connaissance adaptée à la prise de décision sur les risques. Cette connaissance rend le débat sur la science plus problématique (en général) et voit son rôle évoluer vers une expression de la vérité (des faits objectifs) au service du pouvoir (décideurs).

La sociologie de la connaissance scientifique (SCS) a montré que les enjeux institutionnels, économiques et sociaux ; qui forment le contexte dans lequel la connaissance est produite, utilisée et interprétée dans les discours sur la gouvernance des risques et des enjeux de la durabilité ; sont des facteurs essentiels dans la compréhension des controverses scientifiques (voir par ex. Jasanoff, 1995, Irwin, 2001).

Cette vue constructiviste ne rejette pas l'importance de la preuve scientifique (Irwin 2001) mais elle met l'accent sur le rôle clé que peut jouer le contexte sociétal dans la connaissance est produite et exploitée. La philosophie de l'évaluation de la qualité de la connaissance est, que dans une situation de controverse et d'incertitude concernant le risque, le rôle de la science peut être enrichi par une réflexion critique systématique, concernant :

  1. la qualité scientifique de la connaissance,
  2. la pertinence de la connaissance par rapport à l'objectif, à la fonction et au contexte de son usage,
  3. la qualité argumentaire du discours qui est prévu pour informer la décision.
Crédits: Jean-Marc DOUGUET, chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Jeroen VAN DER SLUIJS, professeur assistant au Copernicus Institute for Sustainable Development and Innovation