Une politique confrontée aux différentes perceptions du risque de pollution des sols

Introduction

La plupart des catastrophes liées à la pollution des sols sont liées à un différentiel de perception des risques des différents protagonistes, occasionnant selon les cas, une mauvaise gestion de la part des pouvoirs publics (Salsigne, Metaleurop, …), ou de la part des acteurs privés (Kodak, Metaleurop, …), en regard des enjeux et des attentes de la population riveraine. Il est donc important de considérer l’ampleur, la diversité des acteurs désormais concernés par la gestion du risque au-delà du binôme services de l’Etat-exploitants/bureau d’étude, comme les habitants et les collectivités.

1. L'Etat garant des administrations

Alors que certains experts avancent que la catastrophe de Tchernobyl a été jusqu’à 1000 fois sous-évaluée, il est intéressant de voir se reproduire ce comportement du refus de la transparence relatif aux questions environnementales, de la part des services de l'Etat, par le blocage des inventaires départementaux existants, notamment à Paris et en Seine-Saint-Denis où les collectivités territoriales ne peuvent obtenir du préfet l’inventaire Basias réalisé. Sols Pollués en milieu urbain : Mission de préfiguration à un plan de gestion des sols pollués sur le territoire communautaire de Plaine Commune

Il semble que la position des pouvoirs publics d’éviter toute vague, toute mise en cause d’acteurs économiques de poids ou d’administrations défaillantes, reste bien ancrée. De plus, certaines informations pourraient avoir un impact financier considérable au travers d'une dévalorisation du patrimoine foncier concerné par un risque potentiel.

2. Le public soucieux de vivre dans un environnement sain

La demande du public d’un environnement de qualité est réelle et intransigeante. Or l’appréciation du danger véritable d’exposition pour les riverains est très difficile. Souvent, il est impossible de donner une image juste du risque, et les clichés disponibles nourrissent souvent des psychoses, ou rassurent de façon abusive. Ainsi, une flaque marron dans un entrepôt désaffecté, ou la présence de fûts sur un site, est immédiatement suspecte. A l'inverse, un terrain nettoyé et aplani, d'une couleur bien homogène n'est pas forcément sans risque. De nombreux espaces verts ont été construits sur d'anciennes décharges à une époque où les techniques de confinement n'étaient pas encore matures.

Le fait de fonder le niveau de traitement sur l’utilisation finale du site est critiqué car cette méthode prend en compte un type d’usage ou d’usagers, en minimisant les différents utilisateurs qui se succèderont et leur différence de sensibilité face au risque (enfant, personne âgée / adulte).

3. La collectivité souhaitant mener à bien ses projets d'urbanisme

Dans une opération urbaine, pour permettre la réutilisation d’un site, il faut d’abord caractériser les pollutions, puis définir un niveau de dépollution en fonction de l’usage futur du site. Il appartient généralement au maire de définir cet usage futur, l’ancien exploitant souvent propriétaire du sol ayant la possibilité de s’opposer et le préfet la responsabilité d’arbitrer. En tant que maître d'ouvrage du renouvellement urbain, les collectivités rejoignent en partie le point de vue de l'aménageur, qui souhaite savoir :

Les collectivités sont aujourd’hui confrontées à de nombreuses incertitudes, qui portent sur la connaissance des polluants (lorsqu’un site a été fermé depuis de nombreuses années, sans que l’on connaisse vraiment l’activité ou le propriétaire) mais aussi l’étendue de la dépollution : la découverte lors d’un chantier d’une pollution imprévue peut compromettre la faisabilité du projet. Or les collectivités n’ont pas forcément les moyens ou les compétences pour assurer l’ensemble de la démarche. Dans ce cadre flou, l'action publique locale a le choix entre deux comportements fidèles chacun à une conception propre :

Conclusion

La question des sites pollués interpelle désormais l’ensemble des habitants, confrontés au poids de l’héritage à gérer et aux conséquences sur les opérations de renouvellement urbain. Si les méthodes évoluent sous l’analyse des retours d’expériences, cependant précisément de façon concrète, on voit bien qu’il n’est pas facile de traduire en un fonctionnement pratique les principes édictés par la loi, comme l’évaluation du risque en fonction du futur usage. En arrière-plan de ces débats apparaît en fait souvent la difficulté de fixer des priorités entre des objectifs qui peuvent être discordants : la santé des populations, le développement local, le coût économique.

Des pistes pointent pour articuler tous ces positionnements. Ainsi, autour des projets d'aménagement, on perçoit qu'il est indispensable de travailler dans la plus grande transparence : l'Etat doit donner les moyens aux collectivités d'agir pour assumer leurs responsabilités, les citoyens doivent prendre en compte le contexte local et nuancer leurs exigences, les collectivités doivent prendre en main le problème et cesser de se sentir déresponsabilisées sous prétexte que l'Etat conserve les principales compétences. Les grandes collectivités développent leurs outils, tant informatifs avec la constitution de leur propre base de données qu’opérationnels, autour d’acteurs comme les établissements publics fonciers. L’enjeu reste de mieux valoriser les actions de reconversion d’un terrain comme un gain pour la collectivité, et comprendre qu'une concertation bien menée, peut désamorcer des litiges latents.

Crédits:
Catherine CARRE, Géographe, MCF à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne
Michèle CHARTIER, Maître de conférences à l’université de Paris1 Panthéon Sorbonne
 
Référence bibliographique

Fiori Bastien, d'après Ogé Frédéric et Simon Pierre. Sols Pollués en milieu urbain : Mission de préfiguration à un plan de gestion des sols pollués sur le territoire communautaire de Plaine Commune. mémoire de Master professionnel environnement. Université de Paris 1, 2006.