L’économie solidaire comme un retour aux sources de l’économie sociale

L’économie solidaire n’est-elle qu’un jeune rameau de l’économie sociale ? N’est-elle pas plutôt un retour aux sources du mouvement associationniste français de la période 1830-1848, véritable père fondateur des valeurs de l’économie sociale et solidaire. C’est la thèse que défend Jean-Louis Laville. A partir des années 1970 et sans doute sous la double influence de l’esprit de mai 1968 puis de la crise de 1974, on voit effectivement resurgir un mouvement associationniste qui prend en compte des besoins non satisfaits, qui invente de nouveaux modes de production, qui développe de nouvelles activités parfois à la lisière ou en marge du droit. Pour Alain Lipietz on passe du « comment » au « pourquoi ». L’économie solidaire dit-il se définit par : « au nom de quoi on le fait : le sens prêté à l’activité économique, sa logique, le système de valeurs de ses acteurs ».
(Lipietz, 2001, p. 56)

Le plus souvent créées sous forme associationniste, ces innovations sectorielles sont reconnues ou se reconnaissent dans l’économie solidaire. L’économie solidaire serait donc animée d’un esprit de contestation, d’une aspiration au changement qu’aurait perdu l’économie sociale.
« profondément impliquée voire instrumentalisée dans la mise en place de l’État providence après 1945 ». (Lipietz, 2001, p. 47)

citation Citation

L'importance de l'économie sociale.

Presque tous les foyers vivant en France sont en contact avec l'économie sociale. Les mutuelles santés et de prévoyance couvrent 30 millions de personnes, les mutuelles d'assurances couvrent une automobile sur deux et deux habitations sur trois. Qui ne connaît pas les coopératives : agricoles, viticoles, laitières, de pêche, de transport, de distribution (Centres Leclerc, Système U, Krys, Intersport, etc)... ? et les banques coopératives : Banques Populaires, Crédit Agricole, Crédit Coopératif, Crédit Mutuel, Caisses d'Epargne... ? Quant aux associations, elles sont présentes partout... monde sportif, culturel, éducatif, familial, sanitaire et social, environnement...

L'économie sociale c'est aussi plus de 1 000 milliards [d' euro] de ressources, plus de 1 700 000 emplois, un des gisements les plus fertiles en création d'emplois à travers ses 760 000 entreprises.

Extrait de lien externe http://initiatives.ceges.org/

Au-delà des dimensions sociales, économique et écologiques, l’économie solidaire met aussi l’accent, plus que ne le fait l’économie sociale, sur son projet politique. Sans nier l’économie de marché, elle refuse la domination de celle-ci sur l’ensemble de l’activité humaine et vise son réencastrement sociopolitique. Elle demande aussi au concept de développement durable d’avoir une approche de l’économie qui ne se limite pas au marché mais qui comprenne aussi les principes de redistribution et de réciprocité.

Aussi, l’économie solidaire questionne la manière dont le développement durable peut aborder la solidarité. Par ses pratiques qui s’inscrivent dans l’espace public démocratique, elle pointe les limites des entreprises capitalistes qui n’offriraient pas d’intervention démocratique de la société civile comme des instances publiques sur le développement durable. Ainsi, promu par les entreprises capitalistes sans débat démocratique, le développement durable présente le risque d’une nouvelle intervention philanthropique sans possibilité de régulation avec les pouvoirs publics ou la société civile. L’économie solidaire comme voie d’accès au développement durable permet de ne pas limiter l’intervention sur l’économie aux seules entreprises capitalistes mais de promouvoir de nouveaux rapports entre économie et démocratie par l’intervention des différentes parties-prenantes.

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« Les systèmes d'alliances en construction entre entreprises, associations, institutions internationales, syndicats, économie sociale et solidaire peuvent être également intéressants à analyser parce que symptomatiques d'une hiérarchisation des rapports entre ces organismes ou d'une pluralisation reposant sur la reconnaissance de leurs différences ; surtout ils aident à discerner si on s'achemine vers l'extension de la régulation privée ou le renouvellement de la régulation publique. » (Laville, 2005, p. 340)