Les Espoirs & les Limites de processus délibératifs

De même qu’il est difficile de rejeter entièrement l’idée d’apprécier les coûts d’opportunité d’un choix politique ou d’une action, de même il est difficile de s'opposer aux idéaux de coopération, de communication ouverte de l'information, et aux solutions de consensus ! Néanmoins, toute procédure délibérative connaît des difficultés dont les racines se trouvent, souvent, dans les mêmes caractéristiques — conflits d'intérêts, divergences de perspectives, d'incertitude — qui posent aussi problème aux analyses coûts-bénéfices monétaires en tant que processus d'aide à la décision. Si le respect pour l’autre (attitude qui permet la recherche d’une réconciliation éventuelle) est reconnu par la démocratie délibérative en tant que valeur fondamentale d’une société « ouverte », ce principe ne saurait résoudre à lui seul les tensions au sein de ce modèle de société.

Il est bien possible que, devant des divergences irréductibles révélées par les processus mêmes de délibération, les parties prenantes finissent par se renoncer à l’idéal d’une réconciliation. C’est le cas, souvent, pour les grandes controverses sur la technologie et l'environnement caractérisées par des prises de position, des valeurs et des principes qui peuvent profondément différer dans leurs racines et s'avérer incompatibles. Dans de telles conditions, le compromis qui devrait conduire au « contrat social » peut se révéler inadmissible ou impossible pour l'une ou pour plusieurs des parties.

Un exemple d'un processus d'évaluation technologique

exemple Exemple

L'évaluation technologique en tant que processus d'articulation des valeurs

En Allemagne, pendant la période de février 1991 à juin 1993, une cinquantaine de représentants venus de l'industrie, des groupes environnementaux, des agences de régulation, et des instituts de recherche scientifique ont coopéré à un processus d'évaluation technologique participatif portant sur des variétés de plantes alimentaires résistantes aux herbicides obtenues par le génie génétique. L'avantage supposé de ces plantes résistantes aux herbicides est qu'elles permettent une utilisation plus large de pesticides "non sélectifs", grâce à la grande tolérance de ces souches résistantes aux herbicides aux produits chimiques toxiques. Un exemple en est le maïs résistant à l'imidazoline, lancé sur le marché en 1992 par la compagnie de semences américaine Pioneer. Les préoccupations du public et des environnementalistes sont centrées sur les risques existants de relâchement sur une grande échelle de plantes génétiquement modifiées (notamment transgéniques), et sur la possibilité d'un usage encore plus intense des produits chimiques avec peu de contrôle (avec les risques de dommages écologiques ou à la santé humaine que cela représente). Dans une série de conférences organisées par le Wissenschafts Zentrum Berlin, les participants eurent à définir la portée exacte de l'évaluation, à évaluer les résultats des rapports des experts, et à en tirer, dans la mesure du possible, des conclusions. Ils discutèrent et évaluèrent environ 20 rapports d'experts qui couvraient les problèmes de risques et de bénéfices liés au relâchement de plantes dû au génie génétique et à l'usage des nouveaux herbicides en agriculture. Le processus fut marqué par des discussions et des controverses, et les représentants des groupes environnementaux refusèrent de participer à la conférence finale où des conclusions devaient être présentées et discutées. Les principales raisons qu'ils donnèrent étaient les suivantes : leur participation bénévole à la procédure d'évaluation technologique ainsi que les exigences en matière de lecture et d'analyse, dépassaient ce que pouvaient accepter les groupes environnementalistes ; de plus, certaines sociétés et certains scientifiques concernés les avaient mis devant un fait accompli en déposant des demandes pour la diffusion de plantes transgéniques résistantes aux herbicides sans en avoir informé les autres participants ni présenté leurs projets à la discussion.

(Source: Wolfgang van den Daele, 1994)