Exemple : Les risques en milieu urbain : le cas des mouvements de terrain en France métropolitaine
Un mouvement de terrain est un déplacement latéral ou vertical plus ou moins important et plus ou moins lent de la surface du sol. Les volumes en jeux sont compris entre quelques mètres cubes et quelques millions de mètres cubes. En milieu urbain, on distingue selon les processus mécaniques, physiques ou chimiques (processus très souvent combinés) les mouvements liés aux séismes, à la gravité, à la dissolution, aux tassements et aux variations de volume selon le degré d’hydratation des sols et leur plasticité. Ces mouvements ont la particularité de se décliner selon différentes échelles spatio-temporelles, du régional (séismes, exploitations minières) au micro-local (poches de dissolution) ; de la seconde (séisme, écroulements) à plusieurs années (retrait-gonflement).
Pour ces types de risques l’aléa est relativement bien connu. Les processus physiques sont toujours impliqués mais à des degrés divers, tant dans l’ampleur du phénomène que dans son déclenchement. Il est aussi indéniable que l’implication des activités anthropiques, en relation avec l’urbanisation, devient prédominante pour certains types de mouvements de terrain dans la mise en œuvre des processus et surtout, dans la gravité de l’endommagement. Toutefois, l’incertitude est grande lorsqu’il faut localiser avec précision l’aléa alors que la demande d’information des particuliers est forte en milieu urbain.
Les spécificités des zones urbaines (densité de l’occupation des sols, concentration, diversité et stratification des activités) rendent comptent de leur plus grand degré de vulnérabilité. Ces spécificités augmentent la complexité de la gestion de ces risques ; les coûts humains et financiers des dommages s’en trouvent souvent démultipliés. Enfin, la visibilité de ces dommages implique une réactivité « attendue » des pouvoirs publics qui éprouvent souvent des difficultés à communiquer sur les risques. Les raisons sont multiples : freins au développement, mauvaise image auprès des investisseurs, risques financiers, impératifs électoraux mais aussi, parfois, un grand dénuement face à une information hétérogène ou indisponible en matière de reconnaissance des zones à risques et de documents de prévention.
Il sera question, dans ce cours, d’une présentation des types de mouvements de terrain en milieu urbain en France métropolitaine ; puis d’un rappel des caractéristiques et spécificités des sols urbains ainsi que des modes d’urbanisation qui les accompagnent. Enfin on abordera la prise en compte de ces risques par la collectivité.
Caractérisation et diversité des mouvements de terrain
La typologie suivante est construite sur une approche génétique et s’appuie donc sur les types de processus dominants mis en œuvre.
les mouvements en relation avec des ébranlements de la croûte terrestre
Un ébranlement brusque de la croûte terrestre en un point quelconque provoque des vibrations qui se transmettent à travers le globe. Le passage de ces vibrations constitue un tremblement de terre ou séisme. En France métropolitaine, c’est surtout la tectonique des plaques qui engendre les séismes les plus importants.
L'activité sismique est, en particulier, concentrée le long de failles séparant ces plaques ; l’intensité de ces tremblements n’est, par ailleurs, pas négligeable. Les villes exposées sont localisées dans 3 types de contacts tectoniques :
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Les zones de collisions de plaques : c’est le cas des zones de montagnes (Alpes, Jura, Pyrénées) avec Grenoble, Baume-les-Dames (février 2004, magnitude 5,1) ou Lourdes récemment (19 novembre, magnitude : 4,8). A titre d’exemple, Lourdes a déjà été partiellement détruite par des tremblements de terre (en 1660, un séisme d’intensité 9 et en 1750 d’intensité 8). A ce titre, les Pyrénées constituent la région de France métropolitaine où le risque sismique est le plus important
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Les zones de distensions de plaques : c’est cas du fossé rhénan et de la plaine d’Alsace, à Strasbourg et Colmar : décembre 2004 magnitude de 4,9, février 2003, magnitude de 5,9 pour les plus récents.
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Les zones de rejeux de failles anciennes : cela concerne le massif armoricain, Bretagne et Vendée, avec par exemple Chantonnay, en juin 2001, pour une magnitude de 5.
Lorsque les plaques se déplacent, les frottements à leurs frontières sont importants ; le mouvement entre les deux plaques se trouve alors bloqué, de l'énergie est stockée le long de la faille. La libération brutale de cette énergie permet de rattraper le retard du mouvement des plaques. Le déplacement instantané qui en résulte est la cause des tremblements de terre. Après la secousse principale, il y a des répliques, parfois meurtrières, qui correspondent à des petits réajustements des blocs au voisinage de la faille.
Un séisme peut se traduire à la surface terrestre par la dégradation ou la ruine des bâtiments, en fonction des décalages de la surface du sol de part et d'autre des failles. Il peut également provoquer des phénomènes annexes tels que des glissements de terrain, des chutes de blocs, des avalanches ou des raz-de-marée. Le site joue un rôle très important et accentue les effets des séismes en amplifiant les ondes. C’est le cas de Lourdes, lieu de convergence de vallées, avec un substrat morainique. En certains endroits, la réponse du sol à une secousse peut varier d'un facteur 10 en des points distants de moins d'un kilomètre.
les effets de la gravité : un processus mécanique assisté par l’action de l’eau
Les éboulements et écroulements
L’action mécanique qui s’exerce sur une pente forte conduit au détachement de blocs et à leur chute sur la pente. Cela concerne en particulier les villes littorales (cas de Creil-sur-Mer par exemple) et les abrupts le long des cours d’eau et dans les vallées montagneuses. La pente des cônes d’éboulis ou des talus dépend de la taille des matériaux, de leur densité et de leur forme. Elle varie entre 27 et 37 degrés ; il s’agit de la pente du talus d’équilibre. L'évolution des falaises et des versants rocheux engendre des chutes de pierres (volume inférieur à 1 dm3), des chutes de blocs (volume supérieur à 1 dm3) ou des écroulements en masse (volume pouvant atteindre plusieurs millions de m3). Les milieux les plus touchées sont souvent encore en périphérie des centres urbain : c’est le cas des villes côtières de la Manche. Sans atteindre encore le bâti, ces destructions affectent parfois les infrastructures routières gênant, par là même, les activités des villes et mettant aussi en cause leur attractivité touristique
Les glissements et coulées boueuses, ou coulées de solifluxion
Ces mouvements se distinguent des précédents par l’intervention de l’eau comme lubrifiant, ce qui permet la mise en mouvement des matériaux sur de faibles pentes. Les glissements consistent en une descente massive et relativement rapide de matériaux le long d’un versant. Leur vitesse et leur ampleur en font souvent des phénomènes spectaculaires pouvant transporter des milliers de cubages de matériaux en une seule fois. Ces déplacements de matière s’effectuent le long d’une surface de glissement facilitant l’intervention de la gravité, comme c’est le cas dans les roches sédimentaires, avec la présence d’un plan de stratification parallèle au versant ou d’un soubassement argileux ou marneux saturé en eau. En avril 2001, un glissement de terrain a provoqué l’effondrement d’une partie du rempart du château de Saumur. Cet aléa est dû à une forte déstabilisation de la roche. Lessivée, exposée à un air renfermé donc riche en dioxyde de carbone, la roche subit une décarbonatation qui modifie sa structure. Chargée en eau, la roche voit également ses propriétés mécaniques changer ; la gélifraction peut créer des fissures. La strate sédimentaire est également rendue instable par des failles parallèles au lit de la Loire présentes dans le coteau, de l’agencement des cavités creusées par l’homme.
Les coulées de solifluxion sont constituées de matériaux généralement plus fins que les dépôts précédents. On emploie le mot de solifluxion pour désigner tout mouvement de matériaux rendus plastiques ou liquides. L’état plastique du matériau peut le rendre très facilement mobile. La masse qui se met en mouvement s’arrache plus ou moins nettement à la partie amont du versant et descend en formant une loupe ou, lorsque la teneur en eau est très importante, en coulée boueuse constituée de bourrelets successifs et de bossellements
La solifluxion ne peut affecter que des matériaux à forte capacité d’absorption d’eau (argiles, marnes, limons, loess ou altérites argileuses). Ces glissements sont récurrents dans les régions où la pluviosité (et les épisodes orageux) est importante, les sols meubles, à la suite d’une pratique agricole intensive, comme dans le Pays de Caux. Dans ce contexte, une coulée de boue a, en 30 minutes, coupé en deux la ville de Fécamp et provoqué une victime en mai 2000.
Les facteurs favorisant ces types de déplacement sont l’existence d’un mauvais drainage à flanc de colline, qui entraîne une imbibition en eau des matériaux ; la présence de couches argileuses intermédiaires (surtout si leur pendage est dans le même sens que la pente topographique) ; le creusement d’une tranchée de route, de voie ferrée ou de canal, au talus trop raide (en particulier lorsqu’elle entaille des colluvions hétérogènes).
Les effondrements de cavités souterraines
Ces phénomènes combinent des processus liés à la gravité mais aussi à l'évolution des cavités souterraines naturelles avec la dissolution de certaines roches (gypse) et aggravés par les activités humaines (carrières et ouvrages souterrains). Les effondrements affectent alors le toit de la cavité et provoquent, en surface, une dépression généralement de forme circulaire ou la formation de fontis.
L’effondrement peut être délibéré mais il est généralement la conséquence accidentelle de l’évolution des chambres à piliers après l’abandon d’exploitations souterraines.
Les mines lorraines représentent les cas les plus représentatifs, ainsi que des carrières souterraines de craie, de calcaire (tuffeau du Val de Loire ou de gypse à Paris). La capacité de résistance des piliers des carrières se dégrade sensiblement sur le long terme. Leur solidité et leurs propriétés mécaniques peuvent aussi changer en présence d’eau. En effet, l’exploitation d’une mine exige très souvent d’avoir recours à un pompage d’assèchement afin de rabattre la
nappe phréatique ou de canaliser les circulations d’eau à l’intérieur de la roche afin d’éviter l’inondation des galeries. Au terme de l’exploitation, la mine se trouve ennoyée par arrêt des pompages. Le niveau de la nappe remonte et un nouvel état d’équilibre
hydrogéologique s’établit lentement (de quelques mois à quelques années). L'effet de l'eau sur la stabilité mécanique des exploitations minières abandonnées est un phénomène complexe. Une roche saturée en eau perd de sa résistance, dans des proportions qui diffèrent grandement d’une roche à l’autre. L’effondrement n’est pas systématique. Cependant, les principaux risques se rencontrent pendant la phase transitoire d’ennoyage, lorsque de fortes pressions hydrauliques peuvent augmenter sensiblement la fracturation du milieu. On observe l'effondrement en bloc de l'ensemble des terrains compris entre le fond et la surface. L'effondrement de la surface se produit alors de manière dynamique, en quelques secondes. Ce fut le cas, dans les années 1960, de l’effondrement, sans aucun signe précurseur, des carrières souterraines du Petit-Clamart qui provoqua une vingtaine de morts. Pour qu'un effondrement brutal se produise, deux conditions au moins doivent être remplies : - les travaux du fond doivent être très fragiles (fort taux de défruitement, piliers élancés). - un banc épais et résistant doit exister dans le recouvrement. La rupture de ce banc qui protégeait les piliers du poids des terrains déclenche alors le processus d'effondrement.
La pression sur sédiments compressibles et les tassements induits
Il s’agit de phénomène de tassements sur sol horizontal. Ils sont liés aux variations de la teneur en eau des sédiments ou à la présence, en profondeur, d’anciens centres d’extraction. Ils peuvent entraîner l’écroulement ou l’inclinaison des édifices (comme la Tour de Pise ou l’église Saint-Martin d’Etampes). Certains sols compressibles (matériaux argileux ou à forte teneur en matière organique) peuvent se tasser sous l'effet de surcharges (constructions, remblais) ou en cas d'assèchement (drainage, pompage d’eau douce ou d’hydrocarbure). Ce phénomène est à l'origine du tassement de sept mètres de la ville de Mexico ou de l’enfoncement accrû de la Nouvelle Orléans et de la Lagune de Venise.
Le comblement des vides souterrains laissés par l'
exploitation minière provoque aussi des désordres superficiels sans ouverture de cavité en surface Le phénomène d'affaissement est relativement lent (il peut durer des années) et progressif. Il se produit lorsque les terrains sont plutôt plastiques et que la profondeur d'exploitation est importante par rapport à l'épaisseur de la taille. Certaines exploitations
houillères ont porté sur des veines de faible épaisseur (quelques mètres au grand maximum) et à grande profondeur (plusieurs centaines de mètres). Ces mouvements de terrain résultent le plus souvent d'un choix délibéré d'exploitation par foudroyage (bassin minier du Nord Pas-de-Calais) pour des raisons d'économie, le remblayage coûtant trop cher. L'affaissement progressif peut survenir aussi au-dessus d'une exploitation par chambres et piliers. Il se traduit par la formation en surface d'une cuvette de quelques dizaines à quelques centaines de mètres de diamètre atteignant parfois jusqu'à 15 mètres de profondeur. En règle générale, on estime que l'affaissement total atteint 80 % des épaisseurs cumulées des différentes veines exploitées.
Au centre de la cuvette, les terrains descendent verticalement. Sur les bords, les terrains se mettent en pente avec un étirement sur les bords extérieurs et un raccourcissement sur les bords intérieurs (apparition de bourrelets). L'affaissement de la surface se produit généralement progressivement en quelques jours ou en quelques mois, selon une dynamique propre au contexte minier et géologique. Les bâtiments en surface sont sensibles à la mise en pente des terrains ainsi qu'aux effets d'extension dans la zone d'étirement et de compression dans la zone de raccourcissement. Les effets sont d'autant plus élevés que l'amplitude de l'affaissement au centre de la cuvette est grande et que la profondeur des travaux miniers est faible. Les bâtiments sont d'autant plus vulnérables qu'ils sont longs et élancés.
Le degré d’hydratation du substrat : les mouvements de retrait-gonflement des argiles
Il s’agit de variations de volume de formations à forte composante argileuse en fonction de leur teneur en eau. Ces variations produisent des gonflements (période humide) et des tassements (périodes sèches). La fréquence d’apparition est assez grande. Sa répartition spatiale est très vaste et sa localisation n’a rien a voir avec une quelconque zonation climatique mais plutôt avec une zonation géologique (présence de matériaux argileux). Plus de 5 000 communes sont touchées dans 75 départements depuis 1989, ceci sans compter l’épisode de sécheresse de l’année 2003. En Île-de-France, 40% des communes ont fait l’objet d’un ou de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle ; dans certains départements comme le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, ce sont deux communes sur trois qui sont concernées. C’est un risque « atypique » en raison de ses effets différés dans le temps (plusieurs années parfois) et de sa grande variabilité spatiale à grande échelle. L’appréhension des dégâts est de l’ordre du micro-local, à l’échelle du bâti ou de la parcelle, et non du bassin versant. Il fut longtemps peu médiatisé car il n’entraîne aucun risque humain. En revanche, les coûts qu’il engendre sont considérables et les dommages aux biens sont parfois irréversibles. A tel point que ce risque, conjugué aux risques, d’inondation a failli mettre en péril le système d’indemnisation français des catastrophes naturelles.
On peut alors rassembler ces différents types de mouvements de terrain, en fonction d’une approche temporelle (en suivant la terminologie du MEDD) :
le pas de temps des différents mouvements de terrain
Les mouvements lents et continus
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Les mouvements rapides et discontinus
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les tassements et les affaissements
le retrait-gonflement des argiles
les glissements de terrain | les mouvements liés aux séismes
les écroulements et les chutes de blocs
les coulées boueuses et torrentielles |
Les sols urbains et les modes d’urbanisation
La notion de sol est complexe : un sol « naturel » est défini comme l’interface entre la lithosphère, l’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère. On peut le percevoir comme le support de la vie. L’écorce terrestre est altérée par l’action de l’eau, de la chaleur et des êtres vivants. Il se constitue alors un profil d’altération reconnaissable par la présence de bandes appelées « horizons », plus ou moins riches en matière organique ou minérale en fonction de leur emplacement à l’intérieur du profil, du type et de l’âge du sol, de l’intensité des processus (chimiques ou mécaniques) qui président à l’altération du substrat.
Les sols urbains sont, de part leur histoire, bien différents de ce dernier. Ils n’ont, en fait, plus de sol que leur nom car ils ont perdu leurs horizons initiaux et, le plus souvent, la fonction même d’un sol, à la fois support de vie, mais aussi filtre pour les eaux ou encore siège de la microfaune et flore du sol. Dans le cas des sols urbains, les échanges avec le milieu, les transferts (eau, énergie, chaleur, pression) sont alors modifiés et d’une grande variabilité spatiale : l’imperméabilisation totale par exemple entraîne un ruissellement accrû en surface. Ils sont très souvent constitués de remblais et sont ainsi d’une grande hétérogénéité granulométrique et chimique (matière organique, métaux lourds, effluents volatiles…). Cet état est source de déstabilisation, par maturation de certains composants organiques par exemple.
Ces sols urbains sont aussi le résultat de la stratification de plusieurs occupations. Il est essentiel de prendre en compte parfois des profondeurs importantes de plusieurs dizaines de mètres, donc le sous-sol (extraction de matériaux) pour comprendre les processus de mise en mouvements du sol. Ils ont aussi une valeur patrimoniale importante et la limite entre appartenance au domaine public ou au domaine privé n’est pas toujours simple. Dans les centres urbains denses et anciens, il s’y ajoute une fonction technique très importante : ces sols et sous sols sont le siège de multiples réseaux en surface (routier, ferroviaire…), et en profondeur (réseau de gaz d’électricité, des eaux, de transport ou de télécommunication).
Le rôle majeur de l’urbanisation
L’urbanisation entre en jeu dans l’importance des dommages, naturellement, mais également comme facteur déclenchant parfois du phénomène. On peut distinguer 3 types d’implication qui peuvent interagir de concert.
Les constructions sont, par elles même, le premier facteur déclenchant, tant par leur emprise spatiale que leur poids, entraînant des tassements, affaissements, remises en mouvement d’un sol ou d’un sous-sol instable. Toutefois ce point peut être trompeur. Ainsi le cas du risque retrait gonflement est assez révélateur de la diversité de l’implication du mode d’urbanisation. Cet aléa consiste en la variation de volume de formations à forte composante argileuse en fonction de leur de teneur en eau. On a vu que sa localisation n’a rien à voir avec une quelconque zonation climatique mais plutôt avec une zonation géologique par la présence de formations à forte composantes argileuse. Quel type d’habitat est concerné ? Statistiquement, les dossiers d’assurance montrent que le retrait-gonflement affecte surtout l’habitat individuel (pavillons) et les petits bâtiments. Les centres anciens sont apparemment moins touchés. La pression démographique, le développement des infrastructures de transports depuis les années 1970, le boom de l’accès à la propriété ont favorisé les constructions individuelles dans tous les secteurs des vallées alluviales en Ile-de-France. Mais, ces constructions ont été réalisées avec des fondations de moindre profondeur ; souvent, les fissures se révèlent à la suite d’une construction à l’amont de la parcelle, ayant modifié l’écoulement des eaux.
L’environnement même des lieux joue un rôle de première importance dans le déclenchement des processus : la topographie, le contexte hydrogéologique, mais aussi, comme facteurs aggravants, la végétation et les défauts de construction (comme les fondations pas assez ancrées dans le sous-sol), comme l’indique le tableau ci dessous.
L’urbanisation et la concentration de l’habitat qu’elle entraîne, s’accompagnent d’une multiplication des infrastructures de surface et en sous-sol. Ce dernier se transforme en une sorte de mille feuilles particulièrement exposé. Cet état accroît l’endommagement et parfois le déclenchement des mouvements du sol : rupture de canalisation, route constituant un barrage à l’écoulement des eaux, drainage excessif ou insuffisant. Chaque modification de la circulation des eaux au sein d’un bassin versant modifie son équilibre et favorise la dissolution de certaines roches, carbonates, gypse, créant des fontis, ou l’engorgement et la solifluxion, phénomènes propices aux glissements de terrain.
Les modes d’urbanisation : la croissance urbaine investit parfois des milieux autrefois dévolus à d’autres activités. Leur disparition et les vestiges qu’elles y ont laissés ne sont pas sans conséquences. C’est le cas des anciennes carrières de calcaire à Paris ou des champignonnières du nord de la petite couronne en Ile-de-France, ou encore des zones minières de l’est de la France. Le pompage continu de la nappe ne s’y fait plus ; les eaux d’infiltration remontent dans les galeries et les fragilisent. De vastes surfaces sont devenues inhabitables et les effondrements s’y multiplient.
Ces déformations de terrain n'ont pas eu de conséquences notables sur les constructions situées au cœur des zones affaissements. En revanche, celles qui étaient en périphérie, ont subi à la fois des mouvements de bascule et des sollicitations de traction (dues à l'étirement des sols) entraînant de graves dommages et souvent leur ruine. Ces dommages touchent aussi les réseaux d’assainissement, avec parfois une inversion de leur écoulement, leur rupture aussi et une pollution des sols et des nappes. D'une façon générale, les affaissements miniers sont à l'origine de modifications irréversibles des écoulements de surface qui ont nécessité la construction de stations de relevage des eaux usées et pluviales. Cette situation a compliqué évidemment le développement urbain puisque les populations sont exposées aux inondations en cas de défaillance des équipements. Des sinistres récents (en Lorraine), à partir de 1996 notamment, ont amené à reconsidérer complètement le problème et à étudier le risque de mouvement de terrain.
La prise en charge du risque par la collectivité
Cette prise en charge s’exerce dans un contexte de vulnérabilité accrue auquel s’ajoute, depuis quelques décennies, une tendance à la « sur assurance » en ville des personnes, des biens, mobiliers et immobiliers. Elle obéit à une logique de prévention allant jusqu’à une certaine forme de coercition de la part des pouvoirs publics afin de réduire « le hasard moral », cette part d’incertitude des assureurs (dont fait partie l’État) vis à vis du comportement des particuliers. Elle s’avère complexe car elle implique un faisceau d’acteurs, depuis le concessionnaire des réseaux techniques, les services techniques des collectivités, jusqu’aux particuliers.
L’originalité actuelle du système français de protection contre l’ensemble des dommages matériels provoqués par les phénomènes naturels réside dans la combinaison de quatre régimes : les dommages assurables qui relèvent de garanties contractuelles (comme la tempête, la foudre, la grêle) ; le Fonds national de garanties des calamités nationales (FNGCA), institué en 1964 ; les dommages non assurables dans le cadre de la loi de 1982 et le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, créé par la loi du 2 février 1995 pour indemniser les personnes expropriées par l’État (CCR, 2000). Le législateur prend donc en compte les risques « mouvements de terrain » au titre des catastrophes naturelles ou Loi CatNat 82-600 du 12 juillet 1982. Jusque-là, inondations, tempêtes, séismes et autres risques naturels étaient considérés comme « non assurables» par les compagnies d’assurance et exclus des contrats. Les compagnies évoquaient l’impossibilité de cerner leur engagement face à des risques de cumul possible de catastrophes géographiquement concentrées, leur impossibilité à contrôler les précautions prises par les assurés pour prévenir les sinistres, ainsi que leur difficulté à calculer les primes des contrats pour des aléas de faible probabilité. Était considéré comme non assurable le dommage qui n’était pas réassurable. La loi de 1982, constatant que le marché ne pouvait pas indemniser les risques naturels, a choisi au nom de la solidarité de faire payer tous les Français. Cela a conduit à faire payer une cotisation d’assurance à des personnes non soumises, ou très peu soumises, aux risques catastrophiques. La prime est fixée par les pouvoirs publics. Elle consiste en un pourcentage appliqué aux primes relatives aux assurances de biens. Actuellement, en France, chaque assuré acquitte une prime égale à 12 % de la prime qu’il paye au titre de ses assurances de biens (habitation (12
%) et voiture (5,5
%).
C’est l’État qui décide de faire jouer la garantie en prenant un arrêté de catastrophe naturelle, sur demande des maires et après consultation des préfets et d’une commission interministérielle. La loi n’ayant pas toujours fixé les critères d’anormalité de l’intensité du phénomène naturel, ces critères sont susceptibles d’être redéfinis comme ce fut le cas pour le risque retrait-gonflement. L’ampleur des conséquences financières d’une catastrophe naturelle peut être si grande que les primes d’assurance perçues par les assureurs ne sont pas suffisantes pour les indemnisations dues en vertu des contrats d’assurance. En France, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) permet de réassurer les assureurs qui interviennent sur le marché des catastrophes naturelles. La CCR bénéficie de la garantie de l’État Français. On retrouve ici un aspect de la solidarité étendue à tous les Français, puisque c’est le budget de l’État qui est mis en cause quand est appelée la garantie de l’État.
Le cadre réglementaire créé pour l’indemnisation a évolué vers une limitation des coûts et des abus par le non respect de certaines précautions. Un certain nombre de mesures et de prescriptions ont alors été mis en œuvre. Cette évolution s’inscrit dans une prise en compte préventive du risque, d’autant plus justifiée en l’occurrence que les processus sont largement influencés par des actions humaines. Cette démarche préventive s’inscrit dans une double dimension d’une meilleure connaissance de l’aléa et d’une construction collective des prescriptions.
La connaissance des phénomènes
L’amélioration de la prévention nécessite le recueil d’une information qualitative, quantitative et spatiale sur le risque ainsi que sa diffusion aussi large que possible auprès des élus, des usagers, des constructeurs, aménageurs et promoteurs. On dispose de plusieurs sources d’information de qualité variable:
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Les cartes et inventaires : il s’agit de cartes géologiques, de relevés des carrières et de plans des exploitations anciennes (mines) lorsqu’ils sont disponibles, de la Banque de données du sous-sol, de bases de données « ciblées » et élaborées par le Bureau des Recherches Géologiques et Minières (www.bdcavite.net, www.bdmvt.net). Ces informations ne sont pas exhaustives et sont tributaires de nos connaissances actuelles, comme le soulignent Y. Veyret et S. Bouchon : « si l’exemple parisien est bien connu (les Catacombes), quelques 300 communes sont par ailleurs concernées, pour lesquelles la connaissance de l’aléa et du risque est très inégale. » Par ailleurs, en raison de la très grande mobilité des habitants, on observe une perte importante de la connaissance des lieux : on estime qu’en moyenne une famille change de résidence tous les 10 ans.
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Les connaissances scientifiques et techniques : les guides géotechniques, les DTU (Documents Techniques Unifiés) pour la conformité de la construction sont mis à la disposition des constructeurs. Toutefois il existe encore des lacunes dans la formation des métiers du bâtiment sur ces questions.
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Les cartes d’aléas : elles sont établies par le BRGM à l’échelle départementale et au 1/50
000. Elles s’appuient sur des protocoles techniques et des reconnaissances sur le terrain mais elles ne prennent pas toujours en compte des facteurs extérieurs, qui agissent à diverses échelles (en particulier les aménagements liés à l’urbanisation, ou la modification de la circulation des eaux à l’intérieur des sols).
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Les mesures juridiques : les documents réglementaires
Ces documents ne sont pas spécifiques aux mouvements de terrains en milieux urbains et ils se déclinent à plusieurs échelles. On retiendra :
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Le PPR : il composé d’un règlement contenant les indications relatives aux mesures relatives aux constructions et aux aménagements existants et futurs. Elles s’appliquent à l’ensemble des zones à risques délimitées sur le plan du zonage réglementaire. Le PPR approuvé vaut servitude d’utilité publique les exigences réglementaires parfois très contraignantes et pouvant entraîner l’inconstructibilité. L’absence de PPR entraîne une diminution des remboursements. L’indemnisation s’effectue après déclaration de catastrophe naturelle et sou certaines conditions qui deviennent de plus en plus drastiques notamment ce qui concerne la définition de l’aléa, l’élaboration des documents de prévention (l’adoption d’un PPR) et le respect des prescriptions, dans certains cas (risque humain) l’expropriation peut être ordonnée.
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Le DDRM : Dossier Départemental des Risques Majeurs. Le Préfet élabore et met à disposition de la population le D.D.R.M. Ce document de sensibilisation regroupe par commune les risques naturels et technologiques du département, les consignes à appliquer en cas d'accident et la cartographie du risque à l'échelle du département.
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Le DICRIM : le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs : il recense les mesures de sauvegarde répondant aux risques naturels et technologiques majeurs sur le territoire de la commune. Il contient les données locales, départementales et nationales nécessaires à l'information des citoyens au titre du droit à l'information. Elaboré à partir des informations disponibles transmises par le représentant de l’Etat dans le département, le Préfet, il contient quatre grands types d'informations :
- la connaissance des risques naturels et technologiques dans la commune,
- les mesures prises par la commune, avec des exemples de réalisation,
- les mesures de sauvegarde à respecter en cas de danger ou d’alerte,
- le plan d'affichage de ces consignes.
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Le SDAGE : le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. Certains problèmes hydrauliques (bassin minier du Nord-Pas-de-Calais) sont encore suffisamment importants pour que certains SDAGE leur consacre un volet spécifique. Il s'agit à la fois de préoccupations liées aux affaissements miniers, eaux de surface (postes de relèvements) et « remontée » de nappe phréatique.
Les zones urbaines sont, par définition, des milieux artificialisés et très vulnérables. Ils engendrent, de surcroît, certains des processus à l’origine des risques dits « mouvements de terrain ». Toutefois, cette vulnérabilité est à prendre en considération au regard du cumul des risques potentiels auxquels la ville doit faire face dont l’un des plus fréquents est l’inondation. Cet effet domino se retrouve aussi pour les risques technologiques et sanitaires. La prévention y est rendue indispensable et parait possible, tant par l’information disponible que par la connaissance des mesures à mettre en place. Pour l’instant, elle reste encore difficile à mettre en œuvre en raison des coûts directs et indirects que cela représente, des freins au développement, des résistances que cela ne manque pas de susciter. A ceci se combine le « mille feuille » des acteurs, institutionnels ou non, qui sont impliqués dans la gestion des ces risques.