En France, les risques gravitaires dits « rapides » auxquels appartiennent les écoulements torrentiels, les mouvements de terrain et les avalanches constituent les principaux risques naturels en montagne. Ils sont en effet responsables de pertes humaines et d’importants dégâts économiques. Leur spécificité provient du caractère brutal des catastrophes qu’ils provoquent et de la difficulté de prévision qui leur est associée. Dans des zones de montagne où l’occupation humaine est en croissance, ils apparaissent difficilement acceptables aux yeux de la population, des décideurs et des médias.
De manière simplifiée, la gestion des risques comprend des phases dédiées à l’alerte et aux secours et des phases de prévention. La première inclut la prévision temporelle indispensable pour la gestion temporelle du risque. Elle permet de prendre les décisions adéquates à l’avance (évacuations, fermetures de routes, etc.) pour éviter les catastrophes en période de crise. La seconde correspond à des objectifs de gestion à moyen et long termes des territoires soumis aux risques naturels. La prévention se développe essentiellement sur trois axes : la connaissance des phénomènes, le contrôle de l’occupation du sol et les travaux de protection.
Ces actions reposent toutes sur la connaissance des conditions d’occurrence, de la propagation des écoulements et des effets des ouvrages de protection. Sur ces bases des principes de gestion sont établis puis mis en œuvre dans des études d’ingénierie et des actions règlementaires telles que le zonage des risques.
Ce chapitre constitue une vue partielle des différents volets de la gestion des risques gravitaires en montagne. En s’intéressant particulièrement au cas des avalanches et des crues torrentielles, il aborde tout d’abord les aspects liés à la physique des phénomènes, base essentielle pour la détermination de l’aléa. Après une description des processus globaux de gestion des risques, les différents types de travaux de protection sont décrits.
La physique des phénomènes
Le terme "avalanche de neige" désigne un écoulement rapide d'une masse importante de neige sous l'effet de la gravité faisant suite à une rupture d’équilibre au sein du manteau neigeux. De façon simplifiée, on peut considérer le manteau neigeux comme un corps en équilibre soumis à des forces l’entrainant vers le bas (poids, surcharge locale (skieur, chute de corniches, de séracs, surraccumulation de neige due au transport de neige par le vent) qui sont opposées à des forces le maintenant en place (frottement du manteau neigeux avec le sol ou sur des ancrages latéraux de type rochers, cohésion de la neige à l’intérieur d’une même strate et cohésion entre les différentes strates constituant le manteau neigeux). L’équilibre sera rompu et l’avalanche se déclenchera lorsque la composante tangentielle du poids sera supérieure à la somme des frottements et de la cohésion. Plus la pente sera raide, plus la composante tangentielle sera importante pour une même valeur du poids.
Une terminologie variée, conduisant souvent à une certaine confusion, permet de décrire les avalanches. Elle fait appel à des critères variables que sont le type de neige (avalanche de neige poudreuse, humide, récente,…), le type de départ (avalanche de plaques), de saison (avalanches de printemps)…
Nous avons choisi pour notre part de classer les avalanches suivant le type d’écoulement ce qui présente l’avantage d’offrir une classification simple :
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Le premier type d'écoulement, le plus fréquent en climat tempéré, est l'écoulement dense [on parle également d’avalanche coulante]. Il est vraisemblablement laminaire et suit relativement bien les couloirs naturels. Il est caractérisé par une vitesse de 20 à 30 m. s-1 et une faible incorporation d'air qui lui permet de garder une masse volumique forte, allant de 150 kg.m-3 à plus de 450 kg.m-3.
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Le second type d'écoulement, appelé avalanches aérosol, est caractérisé par une forte interaction entre l'écoulement et l'air ambiant, se traduisant par une incorporation d'air réduisant sa masse volumique. Les avalanches aérosol, formées donc de suspension de particules de glace dans l’air, se caractérisent par un écoulement turbulent composé de grandes volutes (structures turbulentes particulièrement visibles au front), des vitesses rapides, des hauteurs d’écoulement importantes et des masses volumiques faibles. Elles n’apparaissent que sous certaines conditions (neige froide, sèche et faiblement cohésive, pente forte) sous la forme d’un nuage. C’est pourquoi on parle d’avalanche poudreuse ; cependant des exemples historiques montrent que des accumulations de neige lourde peuvent aussi créer des aérosols. L’avalanche est considérée comme une avalanche aérosol « pure » lorsque la partie dense basale est inexistante. Sous certaines conditions, la suspension poudreuse peut atteindre 1000 m de long, 500 m de large et 100 m de haut avec une densité de 2 à 5 kg.m-3. Les vitesses peuvent atteindre 100 m.s-1 et les pressions exercées sont de l’ordre de 10 à 50 103Pa
Les avalanches de neige provoquent des dégâts importants. Ces dommages dépendent fortement du type d'avalanches, du volume de neige mis en mouvement et des caractéristiques géométriques et topographiques du couloir. Les avalanches denses provoquent des dégâts liés à leurs fortes densités alors que ceux produits par les avalanches poudreuses sont essentiellement dus aux effets de vitesse (le souffle à l’avant de l’avalanche appelé également vent d’avalanche) et à la turbulence.
La meilleure prévention consiste bien évidemment à éviter toute construction dans les couloirs d’avalanches d’où l’importance de la connaissance de l’aléa. Mais dans certaines régions il ne resterait plus d’espaces constructibles ; le développement économique et touristique et la pression immobilière qui va de pair est forte. En France, 570 communes sont exposées à des degrés divers au risque d’avalanche dont 216 pour des enjeux humains, d’où la nécessité de mettre en place des stratégies pour tenter de limiter les effets dévastateurs des avalanches. A ce titre, on peut se remémorer les catastrophes de Barèges (plus de 20 morts en 1860), Val d’Isère (39 morts en 1978), du Tour (5 morts en 1978), et plus récemment de Montroc (12 morts en 1999).
Les crues torrentielles : Le contexte torrentiel
D’après le dictionnaire, un torrent est un "cours d'eau de montagne, rapide et irrégulier, de faible longueur, plus ou moins à sec entre des crues violentes et brusques". En hydraulique, il est d’usage de classer les cours d’eau en fonction de leur pente. Ainsi, on parle de torrent lorsque la pente moyenne longitudinale du lit excède 6 %, de rivière torrentielle lorsque la pente est comprise entre 1 et 6 % et de rivière en-deçà de 1 %. Il est bien évident qu'une telle classification est nécessairement réductrice compte tenu de sa simplicité. Elle a cependant le mérite de bien mettre l'accent sur cette caractéristique essentielle des torrents qu'est la pente de leur cours.
Les crues torrentielles représentent une menace permanente pour beaucoup de villages de montagne qui se trouvent implantés sur le cône de déjection de torrents. La soudaineté de ces crues et la puissance des écoulements qui en résultent les rend particulièrement dévastatrices. Ainsi en France déplore-t-on chaque année un certain nombre d’habitations endommagées et de routes coupées. Heureusement, les évènements occasionnant des victimes restent rares dans les Alpes. Rappelons cependant les crues torrentielles généralisées qui ont affecté le Val d’Aoste (Italie) en 2000 et qui ont entraîné plus d’une vingtaine de morts.
Les crues torrentielles : deux types de crues torrentielles
La principale particularité des écoulements torrentiels par rapport aux écoulements en rivières à faible pente consiste en un transport de sédiments (ou transport solide) beaucoup plus important, au moins en période de crue. De plus, les écoulements torrentiels transportent souvent des particules de grandes dimensions, jusqu'à des blocs rocheux de plusieurs tonnes. La pente figure bien entendu au premier rang des causes de ce transport solide accru. D’une part, les forces d'arrachement et d'entraînement des particules sédimentaires composant les lits torrentiels sont accentuées du fait l’accélération des écoulements par la pente. D’autre part, les particules elles-mêmes sont affectées par une composante motrice de la force gravitaire.
En plus de la pente, les autres caractéristiques des cours d'eau torrentiels mentionnées plus haut participent également à la génération de transports solides importants : effet du relief sur les épisodes météorologiques et les régimes hydrologiques, proximité d'importantes sources de sédiments...
Une conséquence notable de ces phénomènes de transport solide concerne la variété des types d'écoulements qui peuvent prendre place dans les cours d’eau torrentiels. Pour les débits liquides les plus faibles, le transport solide est absent ou n’affecte que les particules les plus fines, par charriage et mise en suspension (comme en rivières). Pour les débits liquides de crue au contraire, le transport solide peut mobiliser des quantités de sédiments considérables, soit par intensification des processus de charriage, soit par le biais d’un mode de transport spécifique aux torrents : les laves torrentielles. Dans le cas du charriage, les particules roulent et glissent sur le lit sous les effets combinés de la poussée de l’eau et de la gravité (les particules les plus fines étant en suspension). Dans le cas d’une lave torrentielle, au contraire, les phases solides et liquides sont intimement mêlées et l’écoulement prend la forme d’une bouffée très visqueuse. Les principales caractéristiques de ces deux modes de transport sont récapitulées dans le tableau suivant.
Principales caractéristiques des deux types de crues torrentielles.
| Caractéristiques phénoménologiques | Caractéristiques mécaniques |
Charriage
| Transport de particules dont la taille maximale correspond environ à la hauteur d’écoulement.
Limité en général à des pentes de quelques dixièmes de % à quelques %. | Ecoulement « biphasique » : séparation nette entre les phases liquides et solides dont les vitesses sont différentes. Concentration solide inférieure à 30 % en volume. |
Lave torrentielle
| Ecoulement en masse avec zone de dépôt nette sur le cône de déjection.
Formes de dépôt particulières : bourrelets latéraux, lobes frontaux.
Capacité de transport de très gros blocs (plusieurs dizaines de m3 parfois). | Ecoulement « monophasique » : les phases solides et liquides vont à la même vitesse.
Concentration solide supérieure à 60 % en moyenne.
Comportement mécanique de type fluide visqueux non-newtonien. |
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Le charriage
Dans le charriage, les particules solides sont mises en mouvement principalement par la force qu’exerce sur eux l’écoulement liquide. On peut donc définir un seuil de début de transport, correspondant au débit d’eau minimal nécessaire pour commencer à déplacer les grains. Il est alors possible de quantifier l’intensité du charriage à partir du rapport entre le débit d’eau actuel et ce seuil de début de transport.
Pour un débit liquide qui n’est que faiblement supérieur au seuil de transport, on parle de charriage partiel. Seuls les matériaux les plus fins en surface du lit sont affectés par le transport. Dans ce régime, il n’y a pas de relation univoque entre débit liquide et débit solide transporté. On observe fréquemment une régulation spontanée entre l’écoulement liquide et le transport solide qui aboutit à fixer la vitesse liquide, en moyenne, à une valeur qui ne dépend que de l’épaisseur de l’écoulement. Cependant, il n’est pas possible en général d’en déduire la valeur du débit solide transporté. Ce régime de transport est également associé à des phénomènes complexes de tri granulométrique, ainsi qu’à l’apparition de structures morphologiques dans le lit : pavage (imbrication des éléments grossiers à la surface du lit), dunes, antidunes… La sélection de ces structures dépend essentiellement des caractéristiques de l’écoulement (notamment de son confinement latéral). En fin de crue, le lit torrentiel présente ainsi une grande variété de formes imbriquées les unes dans les autres.
Pour un débit liquide nettement supérieur au seuil de transport, on parle de charriage hyperconcentré. Ce régime se traduit par la mobilité de toutes les classes granulométriques, et aboutit à la destruction des structures morphologiques qui pouvaient être formées par les crues précédentes. En outre, ce régime est caractérisé par une forte corrélation entre débits liquides et débits solides : ces deux quantités sont à peu près proportionnelles entre elles. Différents auteurs ont ainsi établi des formules reliant débits solides et liquides en tenant compte de la pente, de la granulométrie des sédiments,… D’un point de vue opérationnel, il est donc possible d’estimer, connaissant les caractéristiques de la lame d’eau, les volumes de sédiments susceptibles d’arriver sur le cône de déjection et d’affecter les enjeux. Il convient toutefois de noter que toutes ces formules expriment en fait la capacité maximale de transport, laquelle n’est atteinte que lorsque suffisamment de sédiments mobilisables sont disponibles. Elles sont donc susceptibles de surévaluer significativement le transport solide effectif.
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Les laves torrentielles
Les laves torrentielles sont une forme extrême de transport solide qui, dans le détail, reste encore relativement mal comprise. L’écoulement, très transitoire, se produit sous forme de bouffées successives. Ces bouffées, d’aspect monophasique, sont constituées par un mélange intime d’eau et de particules solides de toutes tailles, depuis des argiles jusqu'à des blocs de taille métrique. L’allure typique d’une telle bouffée est représentée sur la figure suivante. Le front présente souvent un aspect plutôt granulaire, alors que le corps est plus boueux. L’épaisseur de la bouffée au front est en général de quelques mètres, et les vitesses d’écoulement de l’ordre de quelques m/s (occasionnellement jusqu’à 30 m/s). Le volume total de sédiments transportés par un seul évènement est très variable, mais atteint fréquemment plusieurs dizaines de milliers de m3.
Dans la majorité des cas, les laves torrentielles se forment après des précipitations soutenues ayant duré plusieurs jours et à l’occasion d’une pluie intense (orage). Cependant, on sait encore relativement peu de choses sur les mécanismes aboutissant à leur génération. Seuls certains bassins versants torrentiels, caractérisés en général par des processus d’érosion très intenses, produisent fréquemment des laves. Dans certains cas, celles-ci se forment par accélération brutale (fluidification) d’un glissement de terrain préexistant. Dans d’autres cas, elles naissent à la faveur d’un ruissellement important sur tout le bassin de réception et à même d’apporter de très grandes quantités de matériaux solides dans le lit. Une fois formées, les laves peuvent ensuite « s’engraisser » dans le chenal, par reprise de matériaux dans le lit (affouillement) et rupture de berges.
Prévention et gestion des risques
Des phénomènes à l’aléa : cas des risques gravitaires rapides
Les phénomènes naturels gravitaires en montagne sont spécifiques en matière de :
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vitesse et durée (même si, de manière générale, les phénomènes gravitaires rapides se caractérisent par une durée ne permettant pas d'imaginer une évacuation après déclenchement des phénomènes) ;
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mode de propagation des phénomènes (impacts ponctuels dans le cas de chute de blocs, trajectoire rectiligne dans les chenaux d'écoulement torrentiels, zone d'extension importante dans le cadre d'avalanche ou de zone de dépôt de lave torrentielle);
La nature et la précision des analyses des risques induits dépendent largement de :
Les étapes de la gestion du risque sont les suivantes :
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identification et localisation des phénomènes naturels (analyse topographique, géomorphologique du site) ;
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caractérisation des aléas (définition des effets potentiels, caractérisation de l’intensité et de la fréquence) ;
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identification des enjeux (typologie immatériels, matériels, humains) ;
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caractérisation des conséquences associées à l’effet des phénomènes (au cours d’un évènement) en vue d’une détermination de la vulnérabilité.
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Prévision spatiale et temporelle des phénomènes pour la sécurité des personnes
Pour chacune des objectifs, une première étape correspondant à une identification et une seconde étape correspond à une quantification. Par exemple, les phénomènes sont d’abord identifiés (existence de mouvements de terrain, de crues torrentielles...). L’analyse porte ensuite sur les aspects historiques.
Phases temporelles de la gestion des risques naturels
Les situations de risques auxquelles sont confrontées les différents pays européens et les modes de gestion mis en œuvre sont identiques. De nombreuses présentations génériques des phases de gestion existent. Nous présentons ici le « cercle de la gestion des risques »
Une première classification temporelle des phases de la gestion des risques peut être proposée. Les phases sont positionnées par rapport à l’occurrence du phénomène. Avant le phénomène, on parle de prévention. Les interventions lors du phénomène ou immédiatement après correspondent à la gestion de crise. La phase de bilan correspond au retour d’expériences.
Chaque phase de gestion comprend un certain nombre d’actions de façon courante et majoritaire. Un dispositif de gestion des risques peut cependant associer à part variable des actions de prévention, de gestion de crise et de retour d’expériences. Pour un même phénomène, il est également possible que le dispositif de gestion diffère suivant l’aléa associé au phénomène. Le gestionnaire choisit un objectif de protection par rapport à l’aléa considéré soit en terme d’intensité, de fréquence soit en cumulant les deux. L’aléa dépassant l’objectif de protection (soit en intensité ou en fréquence) est qualifié d’aléa résiduel (Tacnet et al., à paraître).
Exemple
Par exemple, la prévention par des mesures structurelles ou non structurelles peut être la solution retenue pour se protéger contre une crue de fréquence de retour centennale. Pour une crue bicentennale, il peut être décidé de gérer le phénomène exclusivement par le biais de l’alerte.
La connaissance de l’aléa est la première clé d'une bonne gestion du risque d'avalanche. L’expérience, l’observation du terrain et l’analyse des données historiques ont constitué une première étape permettant de mieux connaître l’aléa. Conscient de la disparition progressive des mémoires, des indices et des informations sur les événements après leur occurrence, l’Etat français, représenté par les Ministères de l’Agriculture puis de l’Environnement, a d’ailleurs mis en place deux dispositifs originaux complémentaires permettant d’enregistrer les phénomènes d’avalanches.
Commencée en 1900, l’EPA (Enquête Permanentes sur les Avalanches) inventorie systématiquement les événements sur 4400 sites sélectionnés dans les 11 départements des Alpes et des Pyrénées, grâce à un réseau d’observateurs de l’ONF. Plus de 80000 événements sont actuellement décrit dans une base de données gérées par le Cemagref.
Un deuxième dispositif a été initié à la suite de l’avalanche catastrophique de Val d’Isère en 1970 : la Carte de Localisation des Phénomènes d’Avalanche (CLPA) est un inventaire cartographique des sites d’avalanches. Sont reportés sur la carte les enveloppes des emprises des événements passés connus, grâce à un recueil de témoignages auprès des populations et des services complété par une photo-interprétation. Plus de 750 000 ha ont été étudiés, avec le report de plus de 15 000 emprises d’avalanche.
Leurs données sont organisées en base de données, et sont consultables sur le site
www.avalanches.fr. Il faut souligner que ces programmes d'observation des avalanches conduits par le Ministère chargé de l'environnement, l'ONF et le Cemagref concernent la prévention des risques d'avalanches pour les lieux urbanisés et les voies de communications, mais attention, ils ne sont pas adaptés aux besoins des skieurs et des pratiquants de la montagne.
Plus récemment les modélisations statistiques, physiques (sur maquette) puis numériques sont venues compléter l’étude historique et l’analyse géomorphologique. Ces approches permettent d’une part de mieux connaître le phénomène et d’autre part de pouvoir définir plus précisément des scénarios dits de référence, contre lesquels la collectivité va chercher à se protéger. Suivant les réglementations la période de retour prise en compte pour l’aléa relevant de la sécurité des biens peut être différente : cent ans en France pour les avalanches contre trois cent ans en Suisse par exemple.
La modélisation statistique a d’abord été utilisée sous la forme de relations empiriques permettant de prédire la distance d’arrêt des avalanches extrêmes à partir des caractéristiques topographiques du site étudié (Lied, K., Bakkehoi, S., 1980). Elle permet maintenant d’encadrer les modèles numériques de propagation de façon à établir des cartes d’aléa probabilisé (Meunier, M., Ancey, C., 2004).
La modélisation physique vise à reproduire sur un modèle réduit le phénomène. Ainsi, les avalanches de neige poudreuse sont modélisées par des courants de gravité (
écoulement d’un fluide lourd (de l’eau salée par exemple) dans un fluide léger (de l’eau pure)). Les avalanches de neige dense peuvent être modélisées par des
écoulements granulaires. Les laves torrentielles boueuses sont simulées par des fluides viscoplastiques modèles comme
des dispersions argileuses ou des gels aqueux. Le passage de la maquette à la réalité se fait ensuite par l’intermédiaire de critères de similitude issus de l’adimensionalisation des équations régissant la dynamique de ces écoulements (conservation de la masse et de la quantité de mouvement, lois de comportement des différents matériaux en jeu). La modélisation numérique permet de résoudre ces équations via des méthodes numériques adaptées et une discrétisation de l’espace (pour les
avalanches et pour la
lave). Toutes ces méthodes de modélisation permettent d’obtenir aujourd’hui des simulations relativement réalistes de la propagation et de l’arrêt des écoulements gravitaires (avalanches de neige, laves torrentielles, charriage). Dans un contexte de protection et de gestion du risque, ce type de simulation est bien évidemment très utile. Pour autant, de nombreuses inconnues subsistent encore quant à la physique de ces phénomènes. Les processus de formation et de déclenchement des écoulements, en particulier, restent très mal compris. De même, la rhéologie des matériaux impliqués (boue, matériaux granulaires, neige) ainsi que les interactions d’érosion-dépôt entre ces écoulements et leur substrat font toujours l’objet de recherches actives.
Les méthodes de protection
En France, et jusqu’à la moitié du vingtième siècle, la protection paravalanche fut essentiellement l’affaire des forestiers, le reboisement étant considéré comme la meilleure politique globale de prévention. Néanmoins, dès le dix-huitième siècle, des dispositions constructives permettant de limiter les dégâts sur les bâtiments (étrave protégeant l'église et le presbytère de Vallorcine construite en 1722) sont apparues : le génie paravalanche était né. Différentes techniques de protection sont désormais envisageables et peuvent être présentées de deux façons distinctes suivant que l’on s’intéresse au point d’intervention (passif/actif) ou à la durée de la protection (permanent/temporaire). On parlera ainsi de protection active lorsque les dispositifs sont mis en œuvre dans la zone de départ de l’avalanche par opposition à la protection passive où les dispositifs sont mis en œuvre dans la zone d’écoulement ou d’arrêt de l’avalanche. La défense temporaire quant à elle concerne des techniques de protections nécessitant une mise en œuvre par l’homme pendant une durée limitée correspondant à des situations nivo météorologiques d’alerte alors que la défense permanente ne nécessite pas l’intervention humaine en situation de risque. On se retrouve ainsi avec quatre familles de protection (protection active temporaire, active permanente, passive temporaire, passive permanente) que l’on peut présenter synthétiquement de la façon suivante :
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Les protections actives permanentes : ces protections visent à empêcher le déclenchement d’avalanches dans la zone de départ en modifiant localement la répartition de la neige (ouvrages à vent de type barrières à neige, toit-buse ou vire-vent), en fixant le manteau neigeux (râtelier, claie, filet plantation) ou encore en modifiant la rugosité du sol (banquette).
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Les protections passives permanentes :généralement ces protections visent à modifier l’écoulement de l’avalanche en dissipant l’énergie (tas freineurs), en déviant la trajectoire (étrave, digue déviatrice, tunnel paravalanche) ou encore en stoppant l’avalanche (digue d’arrêt). Mais on peut également considérer dans cette catégorie les dispositions visant à renforcer les constructions ou encore les systèmes permettant l’alerte en cas de déclenchement (détecteur routier d’avalanches ou DRA).
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Les protections actives temporaires : elles visent à provoquer le départ de l’avalanche avant que celle-ci ne se déclenche de façon naturelle avec une plus grande ampleur : les zones de départ sont donc purgées artificiellement avec des skis, des explosifs (à la main, à l’hélicoptère, par Câbles Transporteur d’Explosifs, par avalancheur) ou du gaz (GAZEX, AVALHEX).
Crues torrentielles : Les stratégies de correction torrentielle
Dans le cadre des mesures dites « structurelles » de prévention contre les risques torrentiels, les différentes stratégies de correction se distinguent par leurs objectifs, la localisation et la nature des travaux associés (cf. figure ci-dessous).
Les choix de stratégie résultent tout d’abord de la configuration du bassin versant torrentiel notamment en matière de mode de production de sédiment. De manière simplificatrice, on distingue :
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les torrents dits « à affouillement » dans lesquels il est possible d’envisager de limiter la production locale de matériaux en stabilisant les terrains dans le cadre de travaux de protection active ;
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les torrents « à clappes » correspondant par exemple à un bassin versant alimenté par une falaise dont on ne peut pas contrôler l’éboulement. Ces torrents impliquent la mise en place de travaux de protection passive dans la mesure où on ne peut pas espérer contrôler le mécanisme de production ;
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les torrents dits « mixtes », probablement les plus courants, qui combinent les différents modes de production et d’alimentation en matériaux.
Au final, le choix d’une stratégie de protection dépend également d’objectifs de gestion. Les travaux de protection active constituent des aménagements à plus long terme. Si leur efficacité peut ne pas être immédiate, ces aménagements, sous réserve d’entretien adapté, sont supposés être plus durables dans la mesure. Ils agissent en effet sur les causes des phénomènes et la suppression totale des aléas reste possible. Les coûts d’investissement sont plus élevés mais les coûts de fonctionnement sur la partie aval du cône de déjection sont supposés plus faibles. Cette approche correspond à la démarche historique des services de Restauration des Terrains en Montagne initié dès le milieu du XIXème siècle. A l’heure actuelle, les travaux de protection passive ont tendance à se développer largement. Ces travaux sont efficaces immédiatement mais nécessite un entretien régulier pour fonctionner à leur niveau nominal : quand une plage de dépôt est remplie, il faut pouvoir la curer (évacuer les dépôts) pour la rendre opérationnelle à nouveau (voir figure ci-dessous).
Crues torrentielles : les ouvrages de génie civil
Les ouvrages de génie civil occupent encore une place essentielle dans les dispositifs de protection contre les risques liés aux crues torrentielles. Dans le cadre de travaux de correction active, les barrages de consolidation sont positionnés dans les tronçons fortement érodables du chenal d'écoulement pour limiter l'érosion longitudinale et les divagations du torrent. Les zones de berges en glissement constituent d'importantes zones d'apport de matériaux solides et constituent souvent des zones prioritaires d'implantation des barrages de correction torrentielle.
les barrages de sédimentation (ou plages de dépôt) sont mis en place en partie inférieure du torrent dans le cadre de travaux de défense passive. Ces équipements sont généralement constitués d'une capacité de stockage limitée par des digues latérales en remblai et d'un ouvrage terminal en béton armé rendu plus ou moins filtrant grâce à des systèmes de grilles ou de pertuis aménagés dans le voile .
En raison des contraintes hydrauliques, des ouvrages annexes visent à protéger les barrages de l’impact des blocs et/ou de l’affouillement risquant de déstabiliser les fondations (radiers, parafouille, contre-barrage…) . Pour réaliser les barrages de consolidation, il existe plusieurs types de structure tels que les barrages autostables, les barrages poids, les barrages à stabilisateur arrière.
Le risque zéro n’existe pas. Le risque résiduel représente le risque (d’avalanche, de laves torrentielles,…) persistant après la mise en œuvre des protections calculées généralement pour des événements centennaux. La quantification du risque résiduel reste actuellement délicate. Plans d’évacuation et de secours ou accès protégés doivent être prévus dès l’initiation du projet.