Droit environnemental : l ’identification et l’évaluation des risques

Les encadrements juridiques sont multiples et éparpillés dans les trois ordres juridiques, sollicitant l’ adaptation des dispositions de nombreux codes [A titre d’exemple, la loi de 2003 sur les risques technologiques et naturels modifie les dispositions de 18 codes français.].Cette pléthore de réglementations éclatées offre une impression de « sûr-réglementation ». La survenance de nouvelles catastrophes naturelles et/ou accidents majeurs se solde quasi-systématiquement par la modification des textes existants, considérés comme incomplets et/ou comme insuffisamment respectés et justifiant un renforcement substantiel des dispositifs.
Cette inflation s’accompagne d’un élargissement continu du champ d’appréhension juridique des risques environnementaux, de l’amont à l’aval du processus d’apparition et de survenance du risque, du local au global [La prise en compte de la dimension transfrontalière des catastrophes est patente : la Communauté européenne (décision 98/685/CE du Conseil du 23/3/1998 concernant la conclusion de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (Journal Officiel des Communautés Européennes (JOCE) série L 326 du 03/12/1998 p. 1) et la France (Loi 2003-624 du 8/7/2003 autorisant l’approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (Journal Officiel de la République Française (JOFR) 9/7/2003) sont parties à la convention internationale CEE-ONU sur les effets transfrontières des accidents industriels, signée à Helsinki en 1992, et en vigueur depuis avril 2000. Ladite convention doit s’appliquer de plein droit à l’échelon communautaire et français.]. Ainsi, de l’identification du risque à sa gestion opérationnelle de l’accident, la chaîne des risques est progressivement prise en considération. Confronté à des exigences et réalités contradictoires, le législateur introduit progressivement des obligations en termes d’évaluation et de gestion renforcée des risques.

Paradoxalement, les réglementations antérieures énoncent des distinctions, en termes de gravité des risques et/ou des dangers encourus, sans toutefois préciser les modalités d’appréciation de ces échelles de gravité et/ou d’anormalité.

En réaction aux situations de crise et d’inquiétudes sociétales, l’exigence formalisée et encadrée de l’évaluation des risques s’insère dans les dispositions juridiques. Une telle insertion s’accompagne de modifications de l’organisation institutionnelle de la régulation des risques. Cette obligation d’évaluation des risques conditionne notamment la mise sur le marché de tels ou tels produits et/ou substances chimiques, et/ou est insérée dans les autorisations préalables concernant certaines installations classées, les procédures d’évaluation des incidences environnementales de certains plans, programmes et projets d’ouvrages, la préparation de rapports de sécurité (…).
Par exemple, un important programme de travail de réévaluation de 834 substances actives existantes et nouvelles est entrepris en application de la directive 91/414/CEE Directive 91/414/CEE du Conseil du 15/7/1991. Cette dernière, régulièrement modifiée et en cours de révision [Proposition de règlement du PE et du Conseil portant révision de la directive 91/414/CEE, (COM 2006 (388).], s’efforce d’offrir un cadre harmonisé de principes uniformes pour l’évaluation des risques. L’annexe II de la directive fixe les conditions détaillées à remplir pour introduire le dossier d’insertion d’une substance active dans l’annexe I. Elle précise les informations à apporter pour évaluer les risques « prévisibles, immédiats ou à plus long terme que la substance peut comporter pour l’homme, les animaux et l’environnement ». Le règlement 793/93/CEE concernant l'évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes s’inscrit dans cette nouvelle approche des risques environnementaux et sanitaires, qui, dans l’attente de l’application du règlement 1907/2006 « Reach », continue à s’appliquer.

La directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12/3/2001 définit la notion d’évaluation des risques pour l’environnement, comme «l’évaluation des risques, directs ou indirects, immédiats ou différés, que la dissémination volontaire ou la mise sur le marché d’OGM peut comporter pour la santé humaine et l’environnement, effectuée conformément à l’annexe II » (art. 2).

Dans le cadre de la directive 96/82/CE concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, l’article 9 impose aux Etats membres de veiller «à ce que l’exploitant soit tenu de présenter un rapport de sécurité », en vue de démontrer, notamment, que « les dangers d’accidents majeurs ont été identifiés » ; ledit document doit être revu au moins tous les 5 ans ou «à n’importe quel autre moment, à l’initiative de l’exploitant ou à la demande de l’autorité compétente, (…) pour tenir compte (…) de l’évolution des connaissances en matière d’évaluation des dangers ». L’annexe 2 de ladite directive précise les modalités d’identification et d’analyse des risques d’accident (probabilité et gravité). Cette évolution du dispositif juridique met en exergue l’importance de l’harmonisation des méthodologies d’évaluation des risques et de l’amélioration continue des connaissances scientifiques et organisationnelles dans ce domaine. Ces évaluations des risques sont réalisées, en principe, par les entreprises et sous contrôle des autorités publiques (en particulier les agences nationales [Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, la commission du génie biomoléculaire, agence française de sécurité sanitaire des aliments, autorité européenne de sécurité des aliments, la future agence européenne des produits chimiques (…).] et communautaires selon la réglementation applicable).

Crédits:
Nathalie HERVE-FOURNEREAU, chercheur au CNRS, IODE-Cedre, Faculté de Droit et de Science Politique -Université de Rennes 1
 
Référence bibliographique

Union Européenne. Directive 91/414/CEE du Conseil du 15/7/1991. Concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JOCE L 230 du 19/8/91 p 1). Union Européenne, 1991.

Référence bibliographique

Union Européenne. Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12/3/2001 . Relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CE du Conseil (JOCE série L 106 du 17/4/2001 p 1). Union Européenne, 2001.