Droit environnemental, acteurs et " gouvernance " des risques : le renforcement de l’information du public, des consommateurs et de l’implication des salariés

Le renforcement de l’association du public, des consommateurs et des salariés des activités à risques constitue une dimension clef de la rénovation des dispositifs juridiques. À l’instar de tout leitmotiv, cette exigence d’information et de participation du public se retrouve systématiquement dans tous les récents textes (nouveaux ou modifiés) de droit de l’environnement et se concrétise à des degrés variables sous des formes essentiellement procédurales, voire institutionnelles.

La loi 2003/624 sur les risques technologiques et naturels fait figurer cet impératif d’information en tête de chapitre. Outre le renforcement des dispositifs existants, telle la procédure des enquêtes publiques, ladite loi prévoit la création de comités locaux d’information et de concertation sur les risques. Dans les communes où il existe un plan de prévention des risques naturels prévisibles, le maire « informe la population au moins une fois tous les deux ans (…) sur les caractéristiques du ou des risques naturels connus (…) les mesures de prévention et de sauvegarde possible (…) des modalités d’alerte, l’organisation des secours ».

Au titre de la loi 2004/811 de modernisation de la sécurité civile Loi 2004/811, le plan communal de sauvegarde (obligatoire dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles) contribue à « l’information préventive et à la protection de la population », et notamment sur l’organisation des secours et des plans Orsec s’y rattachant.
Cette exigence d’information sur les risques environnementaux et sanitaires se retrouve aussi dans la loi 2006/686 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire Loi 2006/686 du 13/6/2006.

En droit communautaire, cette information du public est prégnante (accidents majeurs, OGM, nucléaire (…). La directive 96/82/CE, modifiée en 2003, précise qu’une «coopération est prévue en matière d’information du public et de fourniture d’informations à l’autorité compétente pour la préparation des plans d’urgences externes » (art 8). De même l’article 13 prévoit que les « Etats membres veillent à ce que les informations concernant les mesures de sécurité à prendre et la conduite à tenir en cas d’accident soient fournies d’office régulièrement (…) à toutes les personnes et à tous les établissements accueillant du public (…) susceptibles d’être affectés par un accident majeur ». L’annexe V comporte les éléments d’information à communiquer au public en application dudit article.

Ce renforcement de l’information du public vis-à-vis des risques technologiques et naturels est complété par l’insertion dans la loi 2003/624 d’une obligation d’information des acheteurs ou locataires potentiels de biens immobiliers situés dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques et/ou naturels prévisibles. Cette obligation se matérialise par l’établissement d’un « état des risques fondé sur les information mises à disposition par le préfet », et qui est « annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d’achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente » ; de même, cet état des risques est « annexé aux contrats de location écrits constatant l’entrée dans les lieux du nouveau locataire ». C’est, de nouveau, le Préfet qui établit la liste des communes où s’applique ce dispositif d’information obligatoire.

Eu égard aux enseignements tirés des différentes catastrophes industrielles, dont AZF, le législateur a renforcé les obligations d’information, de formation et de participation des salariés et travailleurs indépendants au processus d’évaluation et de gestion des risques environnementaux. La loi 2003/624 introduit quelques modifications du code du travail exigeant de la part du « chef d’établissement de définir et de mettre en œuvre au bénéfice des chefs d’entreprises extérieures et de leurs salariés, et des travailleurs indépendants, (…), avant le début de leur première intervention, dans l’enceinte de l’établissement, une formation pratique et appropriée aux risques particuliers, que leur intervention peut présenter, en raison de sa nature et de la proximité de l’installation ».

La loi modifie également les modalités de consultation et de composition des comités d’hygiène et de sécurité, en particulier lors d’intervention d’entreprises et de salariés extérieurs à l’installation. Il est, en particulier consulté « avant toute décision de sous-traiter une activité, jusqu’alors réalisée par les salariés de l’établissement, une entreprise extérieure appelée à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l’installation » (L 236-2 code du travail). Il peut faire appel à des experts en risques technologiques selon les conditions prévues par les textes. Il est aussi prévu, dans le périmètre d’un PPRT, la constitution de comités interentreprises de santé et de sécurité au travail, « assurant la concertation entre les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements comprenant au moins une installation figurant sur la liste IV de l’article L 515-8 ». Son rôle est de « contribuer à la prévention des risques professionnels susceptibles de résulter des interférences entre les activités et les installations des différents établissements » (L 236-1 code du travail).

Le droit français s’inscrit dans le droit fil de la directive 96/82/CE qui reconnaît l’importance de l’information et de la consultation du personnel de l’établissement, y compris le personnel sous-traitant travaillant sur le site « à long terme », en particulier lors de l’établissement des plans d’urgence interne. L’annexe III relative au système de gestion et à l’organisation de l’établissement en vue de la prévention des accidents majeurs comporte des précisions concernant le personnel (rôles et responsabilités du personnel associé à la gestion des risques, besoins en formation du personnel et des sous-traitants).
Au rythme des catastrophes et de l’émergence de risques nouveaux, l’appréhension juridique des risques environnements se complexifie et se perfectionne. Si la légitimité d’un encadrement normatif de tels phénomènes peut se justifier [Les débats et réflexions autour des nanotechnologies suscitent un tel questionnement sur le rôle et place du droit.], la société « éclairée » ne saurait évincer l’inévitable débat sur nos besoins fondamentaux, l’acceptabilité présente des risques environnementaux et leur transmission à nos générations futures.

Crédits:
Nathalie HERVE-FOURNEREAU, chercheur au CNRS, IODE-Cedre, Faculté de Droit et de Science Politique -Université de Rennes 1
 
Référence bibliographique

République Française. Loi 2004/811. Cette loi abroge la loi 87-565 du 22/7/1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, qui reconnaissait le droit pour les citoyens à l’information sur les risques majeurs (article 21) ; cette reconnaissance ne figure plus dans la loi de 2004. République Française, 2004.

Référence bibliographique

République Française. Loi 2006/686 du 13/6/2006. Relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire JORF du 14/6/2006 p 2). République Française, 2006.