Principes de mise en œuvre du développement durable

Dans l'Union Européenne, cinq principes fondamentaux, issus de la réglementation environnementale, qui s’avères applicables au développement durable et à la question des risques.
« La politique de l'Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l'Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur. » (source : Traité constitutionnel, en reprise de textes déjà existants)
Ces 5 principes doivent donc en théorie diriger l’action publique et se retrouver dans les différents textes réglementaires thématiques de l’Union européenne et des pays membre. Nous allons ainsi détailler ces cinq principes et leurs implications sur la prise en compte des risques dans les politiques publiques.
 

Principe de prévention

Le principe de prévention a été défini dans la législation française par la loi Barnier de 1995. Il est aujourd’hui affirmé dans l’article L.110-1 du Code de l’environnement qui le retient parmi les principes généraux du droit de l’environnement : « le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ».
Ce principe vise donc, simplement, à supprimer à la source un impact environnemental, et par voie de conséquence ses risques associés.
Par exemple, en application de ce principe, les activités humaines présentant un risque non négligeable pour l’environnement ou pour la sécurité sont soumises à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement et/.ou à la réglementation Seveso. Ces réglementations imposent des études d’impacts ou de dangers pour toute création ou modification de ces activités à risque, et en conséquence des mesures préventives pour les limiter ou les supprimer.
 

Le principe pollueur payeur

Dans le but de limiter les atteintes à l’environnement, le principe dit « pollueur-payeur » tend à imputer au pollueur les dépenses relatives à la prévention ou à la réduction des pollutions dont il est l’auteur.
 

Application du principe pollueur payeur pour la gestion des risques

L’application de ce principe vise à quantifier économiquement un dommage environnemental et à fixer une règle d’imputation du coût des mesures mises en place en faveur de l’environnement pour limiter ou réparer ce dommage.
D’un point de vue économique, ce principe fait référence au concept d’externalité. Ce concept a été introduit en économie en1932 par Pigou pour corriger l’incapacité du marché à prendre en charge les problèmes liés à la dégradation de l’environnement et à la répartition des revenus. Pigou le définit comme « un effet de l’action d’un agent économique sur un autre qui s’exerce en dehors du marché ».
cf : CROZET, Yves. 1997. Analyse économique de l’Etat. Cursus. Paris : Armand Colin/Masson. 191 p.
Il y a donc externalité lorsqu’une activité induit des coûts (externalité négative) ou des bénéfices (externalité positive) pour un autre agent qui n’est pas impliqué directement, par exemple dans l’activité d’une entreprise.
Les externalités en matière d’environnement concernent souvent des biens publics et ont alors des impacts sur de multiples parties. Aussi, l’intervention de l’Etat est nécessaire afin d’introduire, au sein des décisions des entreprises, la prise en compte des problèmes environnementaux auxquels elles contribuent.
Le principe du pollueur payeur vise donc à forcer les pollueurs à prendre en compte les impacts qu’ils ont sur l’environnement et l’homme, et donc à mieux gérer les risques environnementaux.
 

Limites

Certaines externalités sont difficiles à chiffrer, car les risques correspondant ne sont pas facilement identifiables. C’est par exemple le cas des pollutions diffuses sur la santé humaine, difficiles à quantifier et encore plus difficiles à quantifier économiquement.
Ce principe est donc un principe directeur des politiques publiques, qui vise à la prise en compte des risques par les pollueurs potentiels, mais reste complexe à mettre en œuvre précisément.
 

Principe de correction à la source

Le principe de correction à la source est basé sur un constat simple : il est globalement moins coûteux et plus simple de supprimer une source une pollution à la source (c'est-à-dire avant qu’elle ne pose problème) ou de prendre des dispositions pour éviter un danger que de prendre de mesures correctives pour dépolluer ou réparer après un accident…
Moins coûteux, car le coût de dépollution plus le coût des externalités dépasse toujours le coût de correction à la source.
Plus simple, car il est plus facile de gérer un problème quand il est bien identifié et localisé (une activité polluante pour l’eau dans une usine) que lorsque qu’il faut en gérer les conséquence (gérer la qualité de l’eau de toute une rivière)
Il est par exemple plus simple et moins coûteux de placer un bac de rétention étanche sous un bidon de fuel (pour récupérer une éventuelle fuite) que de dépolluer une quantité importante de sol souillé d’hydrocarbure.
Ce principe est ainsi un principe de bon sens…
 

Le Principe de participation-information et la Gouvernance

« L’information, la consultation et la participation du public en matière environnementale constituent une démarche essentielle pour la prise de décision publique dès son élaboration, sa conception, sa mise en œuvre puis son évaluation. Il s’agit également d’un élément important pour responsabiliser les agents économiques et les citoyens aux impacts de leurs comportements et pour les informer des risques ou nuisances auxquels ils peuvent potentiellement être exposés. » (http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/Le%20principe%20participation.pdf)
Par extension, le principe de participation-information a conduit à l’apparition du concept de gouvernance, concept important pour la mise en œuvre du développement durable.
Appliquée à l’action publique, la gouvernance est « l’art ou la manière de gouverner qui vise un développement économique, social et institutionnel durable, en maintenant un sain équilibre entre Etat, la société civile et le marché économique. La gouvernance implique une nouvelle philosophie de l’action publique qui consiste à faire du citoyen un acteur du développement de son territoire. »
Source : dictionnaire du développement durable – Armines, Christian Brodhag, Florent Breuil, Natacha Gondran, François Ossama – Editions Afnor 2004.
Ces démarches de coordination d'acteurs différenciés ont pour but de rendre l'action publique plus efficace et les sociétés plus facilement gouvernables.
Appliqué aux entreprises, la gouvernance est l'ensemble des organes et règles de décision, d'information (transparence) et de surveillance permettant aux ayants-droits et partenaires d'une institution, de voir leurs intérêts respectés et leurs voix entendues dans le fonctionnement de celle-ci.
Ainsi, sur l’ensemble des champs du développement durable, la gouvernance vise à responsabiliser les agents économiques et les citoyens aux impacts de leurs comportements et pour les informer des risques environnementaux et sociaux auxquels ils sont exposés.
 

Le principe de précaution

Source : Dominique Bourg - UTT
Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.
 

Introduction

Ce principe répond à l’accumulation des problèmes écologiques globaux : nécessité d'agir ?
La rationalité classique prône d’agir exclusivement sur des certitudes scientifiques.
Le principe de précaution y répond en proposant une conception nouvelle de l'action : la réunion de certaines conditions (des connaissances partielles, risques de dommages graves et irréversibles) doit pousser à agir et non à renoncer.
Face à certains types de risques, on ne peut en effet pas attendre d'être sûr, sous peine d'effets catastrophiques dus à l'inaction, d'où l'apparition dans le droit positif d'un principe de précaution.
Mal compris, mal expliqué et abusivement employé, le principe de précaution est tantôt mentionné comme un frein anti-progrès, tantôt comme une justification de tout acte injustifiable.
 

Origine du principe

C'est à la fin des années 60, que la jurisprudence allemande construit le Vorsorgeprinzip ; La première mention explicite en droit international du principe de précaution remonte à la 2ème conférence internationale sur la protection de la Mer du Nord en 1987.
Le principe de précaution y sous-entend une attitude d'action et de gestion active du risque, totalement différente de l'abstention en cas de doute qui lui est souvent attribuée à tord.
C'est le contexte environnemental contemporain qui inspire la définition précise des conditions de mise en œuvre du principe de précaution dans le droit.
Voici les principaux textes de référence sur ce principe :
Textes de référence internationaux issus notamment de conventions.

Textes de référence internationaux issus notamment de conventions

Textes de référence français.

Textes de référence français.

Textes de référence communautaires (UE) et d'autres pays.

Textes de référence communautaires (UE) et d'autres pays.

 

Légitimité du principe de précaution face aux risques

Aujourd'hui, en conséquence d'hier, s'opèrent de nombreux changements globaux. Leurs principales caractéristiques sont l'incertitude liée aux risques de dommage et l'inertie qui leur est propre.
Cela implique que si des actions ne sont pas menées dès à présent, les dommages ne pourront ni être évités, ni atténués. Le changement climatique en est le meilleur exemple.
La plupart des risques globaux ont constitué une surprise, alors qu'un certains nombre de signes avant-coureurs auraient pu nous alerter. C'est ce que montre un rapport de l'AEE de 2002 (Agence Européenne de l'Environnement).
L'une des caractéristiques du principe de précaution est qu'il inverse la charge de la preuve. Ce n'est plus au plaignant de prouver le risque de dommage, mais à l'accusé de prouver l'innocuité du produit.
Le champ d'application de la précaution est aujourd'hui étendu de l'environnement à la santé et la sécurité alimentaire.
Légende
Exemple d'inertie d'un système : le changement climatique.
Synthèse
L'idée que le progrès permettra, à l'avenir, de solutionner techniquement tous les problèmes est dangereuse.
Le principe de précaution, lui, est un outil responsable qui propose des solutions immédiates afin de ne pas laisser les générations futures payer le prix de nos comportements.
 

Conditions d’application

Les conditions de l'application du principe de précaution sont :

Attention
 

Les deux composantes de sa mise en œuvre

Les deux composantes de la mise en œuvre du principe de précaution sont l'évaluation du risque et la mise en place d'actions proportionnées et révisables.
Il n'y a pas de mise en œuvre du principe de précaution sans évaluation préalable de l'état des connaissances. Cette évaluation doit être transdisciplinaire (science exacte et science sociale) afin de permettre un débat sérieux, transparent et indépendant qui évite les crises de confiance entre les citoyens et les décideurs.

Il faut proportionner les mesures à la qualité générale du risque. Par exemple, si on ne peut pas faire de moratoire sur les émissions de CO2, on peut tout à fait en faire un sur certains OGM.
Il faut proportionner les mesures que l'on va prendre à la qualité du dossier scientifique sur lequel on s'appuie.
Il faut proportionner les mesures au principe de la rationalité économique.
Il s'agit de rechercher l'effet maximum au moindre coût possible. C'est pourquoi,la recherche du risque 0 est irréalisable : elle mobiliserait des moyens infinis et donc absolument non proportionnés.
Légende
Figure 4 : situation des différentes aires par rapport à l'évaluation des risques.
Deux exemples pour mieux comprendre :
 

Le principe de précaution et l’action publique

Le 28 Février 2005, le parlement réuni en congrès à adopté la charte de l’environnement adossée à la constitution française. On y trouve en particulier 2 articles :

Le principe de précaution devrait donc orienter concrètement, dans les années à venir, l’action publique française face aux risques.
 

Eléments de conclusion sur le principe de précaution

Trois points clef

Que faire ?
Lorsqu'on est dans le cadre de la précaution, alors on peut envisager des actions proportionnées et révisables afin de réduire les dommages. Dans le même temps, il faut accroître les connaissances scientifiques afin de lever l'incertitude.
Précaution ou non ?
Si et seulement s’il s'agit d'un cas d'incertitude scientifique couplé à des risques de dommages graves et irréversibles, alors on peut prétendre à l'application du principe de précaution. On parle de principe si la précaution est régie par la loi, sinon on parle d'approche.
Le principe de précaution en équation
Incertitude scientifique+Risques de dommages graves+Risques de dommages irréversibles>Application du principe de précaution=Actions proportionnées et révisables