3.4.2. Caractéristiques générales des systèmes hydrothermaux
Leurs manifestations : La plupart des systèmes hydrothermaux sont invisibles depuis la surface. Cependant, l’existence de circulations hydrothermales profondes dans des zones de cisaillement majeures est admise par la communauté scientifique. En surface, on peut observer directement les manifestations de l’hydrothermalisme actuel, tels que : les sources chaudes (continentales ou sous-marines) (Figure 1a) ; les mares de boues ; les geysers qui sont des jets de vapeur intermittents ou continus) (Figure 1b); les fumerolles (émissions de phases gazeuses).
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Photo Jean-Jacques Tiercelin
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Figure 1a : Exemple de manifestation superficielle en contexte continental de rift : Source chaude de Bogoria, Kenya
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Photo Jean-Jacques Tiercelin
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Figure 1b : Autre exemple sur le site du lac Bogoria : un geyser
Leurs dimensions : Tout dépend de l’échelle à laquelle on travaille... Une région « hydrothermale » comme celle de l’exemple du rift kenyan des bassins de Bogoria et Baringo (voir Figure 2) est composée de plusieurs systèmes hydrothermaux. Chacun des systèmes contient plusieurs « familles » de fluides hydrothermaux. Les diverses classifications que l’on peut faire portent sur les spécificités chimiques des fluides aux émergences ou sur des caractéristiques physiques (Température,...) ou hydrauliques (flux, manifestations de surface particulières,...). Les dimensions des régions hydrothermales peuvent être à l’échelle de la croûte terrestre. Dans les dorsales océaniques notamment, certains auteurs estiment que la base de la croûte serait affectée par l’hydrothermalisme et que les régions hydrothermales pourraient s’étendre très loin de part et d’autre des rides. D’autres exemples de régions hydrothermales associées aux zones de convergence ou aux zones de bassins sédimentaires de marges passives peuvent atteindre aussi de très grandes dimensions.
Crédits
Tarits et al., 2006
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Figure 2 : Schéma structural d’une région « hydrothermale » des bassins de Bogoria et Baringo (Kenya – zone centrale du rift)

Leurs durées de vie : L’activité hydrothermale se poursuit sur des durées très hétérogènes qui sont fonction des caractéristiques associées aux formes et à l’échelle d’étude des systèmes hydrothermaux. Ainsi sur le site de Bogoria (Kenya), en dix années d’intervalle, on a pu observer que certaines sources chaudes ont changé de régime. Un nouveau geyser est apparu notamment en 2005 sur la berge ouest du lac (Figure 1b ). Ce type d’observation très courant suggère que à l’instar du volcanisme, l’activité hydrothermale peut présenter une alternance de périodes productrices et de périodes de repos.
Ce type d’observation est également vrai dans le domaine océanique où les communautés biologiques qui marquent les zones d’expulsion de fluides montrent des durées de fonctionnement des sources qui peuvent être brèves à l’échelle locale.
D’une manière générale, on estime que les sources chaudes peuvent perdurer sur des milliers, voire des dizaines de milliers d’années. A l’échelle d’une région « hydrothermale », l’étude et la datation des minéraux constitutifs des gisements hydrothermaux indiquent que la durée de vie des systèmes pourrait atteindre des dizaines de millions d’années (Deloule et Turcotte, 1989).
Les voies de cheminement : Les voies de cheminement relient au travers du réservoir, les compartiments amont et aval du cycle de l’eau.
Parce que le déplacement des fluides est régi par la perméabilité des matériaux constituant l’intérieur des réservoirs, les voies de cheminement sont nombreuses et variées. Toutes les roches sont perméables... plus ou moins. En fait souvent, on observe dans les roches deux types de perméabilité : une perméabilité intrinsèque dite « primaire » qui est due à la présence de vides existant dans la roche et qui lorsqu’ils sont connectés les uns aux autres, permettent la circulation des fluides (eau ou gaz) à travers le matériel solide et une perméabilité dite « secondaire » qui peut se développer suite à des processus mécanique ou d’altération chimique.
Dans les zones profondes du réservoir, la migration des fluides se fait surtout grâce à la perméabilité intrinsèque des roches, la perméabilité secondaire étant généralement soit peu ou pas développée soit écrasée par la pression. Dans les zones superficielles, au contraire c’est la perméabilité secondaire qui est la plus productrice.

Complément

L’existence des fluides hydrothermaux est fortement associée aux dimensions d’ouverture des conduits qu’ils suivent.
Lorsque les voies de cheminement présentent des ouvertures > 1 mm, le flux de « supercapillarité » est laminaire ou turbulent, cela permet au fluide de véhiculer sans contrainte les éléments dissous. Ce type de flux se rencontre dans des graviers à grains grossiers ou dans des roches sédimentaires présentant des litages ou des figures de compaction ou encore dans des roches d’origines diverses contenant des fractures ou des structures métamorphiques (plis,...).
Lorsque l’ouverture est comprise entre 0,01 et 1 mm, le flux de « capillarité » est faible et l’osmose et la diffusion deviennent des processus importants. Les matériaux associés sont souvent des roches à grains moyens ou fins, ou des roches contenant une perméabilité secondaire bien développée (fissures, diaclases, cavités de dissolution).
Lorsque l’ouverture est < 0,01 mm, le flux de « sous-capillarité » est si restreint que la diffusion peut devenir le processus de transport prédominant. La roche caractéristique de ce type de flux est en apparence « saine » à grains très fins. Les vides sont constitués de limites de grains ou des clivages ou encore des microfissures.


Les types de flux : La migration des fluides dans les voies de cheminement est causée par des gradients que l’on classe en quatre catégories :


Dans les réservoirs, les fluides hydrothermaux peuvent se déplacer de trois manières différentes et avec des vitesses de déplacement très différentes ( Tableau 1 ) :

  1. Par des flux advectifs, où l’eau qui entre dans une fracture par exemple, pousse l’eau déjà présente devant elle. Le plus fréquent des flux advectifs est l’écoulement gravitaire.
  2. Par des flux convectifs qui peuvent être liés à des différences de densité, mais le plus souvent correspondent aux forts gradients thermiques des systèmes hydrotermaux.
  3. Des flux expulsifs qui sont liés à des effondrements, des expulsions physiques ou des réactions chimiques dégageant de grandes quantités d’énergie.
Complément

Dans les réservoirs, les fluides hydrothermaux peuvent se déplacer de trois manières différentes et avec des vitesses de déplacement très différentes : Par flux advectif – le plus fréquent est l’écoulement gravitaire. Il est défini par la loi de Darcy et il est contrôlé par la topographie. Des modélisations ont montré que des vitesses d’écoulement de l’ordre de 1 à 10 m/an peuvent avoir exister pendant des millions d’années dans des régions « hydrothermales » continentales (Cathles, 1997 ; Garven et al., 1993, Garven et Raffensperger, 1997 ; Appold et Garven, 1999). Il existe un autre type de flux advectif « ascendant ». Celui-ci est dû à la flottabilité des fluides (poussée d’Archimède). On l’observe dans les fluides libérés lors du refroidissement des magmas.

Par flux convectif – Ils sont contrôlés par les variations de densité des fluides. La convection thermique libre est le flux convectif le plus fréquent.
La convection thermique libre - Les cellules de convection libre sont observées dans des domaines géotectoniques extensifs tels que les dorsales océaniques ou les rifts. Elles nécessitent la présence conjointe d’une forte anomalie thermique dans la croûte terrestre et d’un réservoir hydrothermal de grande dimension avec des perméabilités primaires et secondaires élevées. Les vitesses de flux dans les cellules de convection libre sont fonction de l’épaisseur du réservoir, du gradient thermique et de la perméabilité des roches. Elles peuvent atteindre 0,1 m/an (Raffensperger et Graven, 1975).
La convection thermique forcée – Ce flux s’applique à un fluide interstitiel lorsque des facteurs externes au système hydrothermal accentuent les variations horizontales de densité de ce fluide. Par exemple, lorsque des formations sédimentaires de conductivité thermique différentes sont plissées et traversées par des fluides hydrothermaux, on peut observer dans les parties inclinées du réservoir et à la limite des strates, des gradients thermiques horizontaux. Les vitesses de flux sont très variables mais certaines peuvent être assez élevées.
La convection haline – C’est un flux contrôlé par une variation de salinité du fluide au sein du réservoir. Ce phénomène est observé couramment au voisinage des dômes de sel. Le fluide le plus dense (salinité la plus élevée) s’enfonce dans le réservoir et déplace vers le haut, le fluide le moins concentré. Les vitesses de flux sont généralement plus faibles que celles qui sont estimées dans le cas des cellules de convection libre.

Par flux expulsifs – Ils sont causés par de nombreux phénomènes internes ou externes au réservoir. On distingue deux catégories de flux expulsifs :
Les flux expulsifs de charge – sont liés : (1) à la compaction des sédiments, dans ce cas, on les observe dans les zones de marges actives ou dans les bassins de marge continentale passive (les fluides interstitiels peuvent être expulsés de la roche soit lors du tassement des sédiments, soit par échauffement consécutif à l’enfouissement. Les vitesses de flux sont très faibles (4 ordres de grandeur plus petite que les flux de Darcy – Cathles, 1997)) ; (2) à des surcharges tectoniques (compression ou charriages tectoniques qui peuvent produire des gradients de pression et engendrer des flux expulsifs. Les vitesses de flux sont peu connues. Elles pourraient atteindre dans certains cas quelques m/an) et (3) aux séismes qui peuvent entraîner une expulsion rapide mais temporaire de grands volumes de fluide. C’est le phénomène appelé : « pompage sismique ».
Les flux expulsifs réactionnels – Ils sont produits par des réactions chimiques. Dans les zones de diagenèse à l’intérieur des bassins sédimentaires, les processus de déshydratation et de décarbonatation peuvent produire de très fortes pressions interstitielles. Les flux des fluides produits par l’oxydation de la matière organique et/ou la transformation de cette même matière en méthane est supposé être comparable en importance à ceux libérés par la compaction des sédiments. L’estimation des vitesses de flux sont d’ailleurs du même ordre. Dans les zones métamorphiques profondes, des réactions peuvent libérer l’eau liée des minéraux hydratés.

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Tableau 1 : Résumé des vitesses de flux : elles sont calculées et non mesurées. Quelques ordres de grandeur permettent de distinguer les types principaux de flux hydrothermaux (Cathles, 1997)
 
Définition

Convectif : Lorsqu’au sein d ‘un fluide se crée un fort gradient thermique, le fluide se met en mouvement pour dissiper l’énergie. Il forme des boucles circulaires qu’on appelle boucles de convection, l’ensemble formant un flux convectif. Ce type de mouvement anime l’eau qui bouille dans une casserole.