Transfert de pesticides et aléa

Remarque
La problématique du risque de transfert de pesticides est une problématique où l'on ne s'intéresse en fait qu'à l'aléa et non à l'intégralité du risque sous ses deux volets aléa et vulnérabilité
Dans un certains nombres de domaines de l'environnement l'étude du risque se fait sous ses deux volets aléa et vulnérabilité. C'est le cas en particulier des risque « inondation » et « avalanche ».
Dans le cas du risque inondation ou inondabilité la méthode de travail la plus couramment utilisée conduit à prévoir l'inondation maximale et les hauteurs de submersion qui lui sont liées. Sous système d'information géographique on représente les hauteurs de submersion maximales par exemple par classes de 50 cm : 0, 50 cm, 1 m, 1,50 m, 2 m. C'est le volet « aléa » de l'étude risque. Dans ce type d'étude, on n'évalue pas le plus souvent la probabilité de la survenue d'une inondation d'une gravité donnée, mais on tente de prévoir l'inondation de gravité maximale : l'inondation centenale par exemple, c'est-à-dire celle susceptible de se produire une fois tous les cent ans. Ensuite, classe de submersion par classe de submersion, on évalue sous SIG la vulnérabilité, c'est-à-dire la population concernée par cette submersion d'après le cadastre en comptant par exemple en zone pavillonnaire chaque habitation pour quatre habitants et en comptant de manière plus spécifique les bâtiments particuliers comme les écoles, etc... On peut aussi de la même manière évaluer la valeur économique des biens menacés par une submersion donnée. On comprend bien que dans ce deuxième volet des études d'inondation, on applique bien la définition de la vulnérabilité qui est « le pendant de l'aléa en termes de biens économiques ou de vies humaines » ou « l'évaluation des biens économiques et des vies humaines menacés ».
Dans le cas du risque « avalanche », il en est de même : à un endroit donné de l'espace on évalue la possibilité de survenue d'une avalanche soit en prenant en compte la survenue historique d'une avalanche dans cet endroit de l'espace, soit en prévoyant sa survenue possible par une étude géomorphologique conduite le plus souvent par photo-interprétation avec stéréoscopie. C'est le volet « aléa » des études de risque avalanche. Ensuite, on évalue les biens économiques et les vies humaines menacées et c'est le volet « vulnérabilité » de l'analyse. Les études de risque avalanche conduisent à des interdictions de construction, soit à la mise en place de dispositifs spécifiques de protection (ouvrages paravalanche) ou de dispositifs d'alerte (systèmes de détection de chutes sur les voies ferrées) ou de la mise en place de procédures de sécurisation (déclenchements préventifs automatiques ou manuels d'avalanche).
En ce qui concerne la pollution des eaux les études de risque ne vont concerner le plus souvent que le volet « aléa ». Pour expliquer pourquoi, on va s'appuyer sur deux exemples : considérons deux rivières et les bassins versants qui leur sont associées : le Guillec et l'Horn ; il s'agit de deux rivières voisines de la côte nord du Finistère qui se jettent dans la Manche. Ces deux rivières sont réputées pour être les plus polluées par les nitrate de Bretagne. Sur le Guillec, il n'y a pas de station de prélèvement d'eau pour produire de l'eau potable par contre il y en a une sur l'Horn. En faisant l'hypothèse que le risque lié à une dégradation de la qualité de l'eau ne soit imputable qu'au risque lié à la production d'eau potable, on serait conduit à penser en appliquant la définition stricte du risque que dans le cas du Guillec, il n'y a pas de vulnérabilité et donc pas de risque et que dans le cas contraire, celui de l'Horn , il y a vulnérabilité donc risque au fait que l'on prélève de l'eau dans cette rivière au niveau d'une station AEP (alimentation en eau potable). Remarquons en premier lieu que cette hypothèse est évidemment très restrictive : le risque lié à une dégradation de la qualité des eaux ne tient pas qu'aux problèmes de production d'eau potable. Il y a de nombreuses autres manifestations possibles du risque : par la contamination de la faune piscicole, par les impacts côtiers (marées vertes, eutrophisation à micro-algues, blooms à phytoplancton toxique, etc...). Ceci dit, même si on admet l'hypothèse annoncée, on comprend qu'il y a moralement un problème à admettre que l'on puisse accepter la dégradation de la qualité des eaux dans une rivière et non dans une autre au seul motif qu'il n'y aurait pas ou qu'il y aurait une station de prélèvement d'eau potable. A partir du moment où on n'admet pas – disons pour des raisons morales – que la qualité des eaux d'une rivière soit dégradée au seul argument qu'il n'y ait pas de station AEP sur son cours, cela revient à dire que dans ce domaine on ne prend pas en compte la notion de vulnérabilité et que l'on mènera les études de risque sous leur seul volet « Aléa ».
Remarquons que cette position à base morale, n'est évidemment pas universellement admise, la notion de zones sacrifiées ou de bassins versants sacrifiés existe. Remarquons aussi que la notion de « droit à polluer » n'est pas très éloignée de celle de « zone sacrifiée ».
Observons aussi que la Directive Cadre sur l'Eau (DCE 2000, traduction de l'Anglais WFD 2000 pour Water Framework Directive) prise par la Communauté Européenne, substitue la morale par la réglementation puisque conformément à cette DCE 2000, toutes les masses d'eaux d'Europe (qu'elles soit continentales, souterraines, superficielles, marines, côtières ou de transition...) doivent atteindre des objectifs de qualité biologique, physique et chimique – ce qui sous-entend bien évidemment qu'elles doivent atteindre ces objectifs qu'elles servent ou non à des objectifs d'alimentation en eau potable. On comprend bien que cette DCE fonde sur une base réglementaire et non seulement morale le fait qu'une eau doive être conforme à des critères de qualité indépendamment de la vulnérabilité qui lui est associée. Nous sommes donc clairement dorénavant dans une problématique où les questions de risques relativement à la qualité des eaux se posent exclusivement en termes d'aléa.
Mais faisons l'ultime observation selon laquelle dans les questions de pollution des eaux, de nombreux programmes dits de reconquête de la qualité des eaux se fondent sur la notion de bassin prioritaire. Un bassin prioritaire étant le plus souvent un bassin à forte vulnérabilité, c'est-à-dire par exemple servant à alimenter une population importante pour une superficie restreinte. Cette notion de bassin prioritaire est donc fondée le plus souvent sur la notion de « vulnérabilité ».
On ne va s'intéresser à qu'à l'aléa.
Ensuite on est souvent confronté à ce qu'on peut appeler un glissement sémantique : si l'on souhaitait s'exprimer rigoureusement on devrait non plus parler dorénavant de risque mais d'aléa. Mais le glissement sémantique reviendra à ne pas faire cet effort de rigueur et à parler de risque en lieu et place de l'aléa. Parfois pour être plus explicite les scientifiques parlerons de de risque-aléa.