Une conjonction d’intérêts à ne pas informer le public

Il faut d’abord insister sur la difficulté à évaluer le risque et à établir une méthode probante d’évaluation de ce risque. Henri PEZERAT (toxicologue, directeur de recherche au CNRS) rappelle que si les produits cancérogènes sont connus (100 produits ou agents physiques sont cancérogènes avec certitude, 400 sont potentiellement dangereux), les cancers environnementaux sont plus difficiles à identifier que les cancers professionnels. En effet, la dispersion des polluants conduit à des concentrations beaucoup plus faibles d'agents cancérogènes. Selon l’AFSSET, l’estimation des expositions fait appel à la modélisation des transferts et à la mesure des polluants, méthodes qui présentent chacune certains inconvénients. Sites et sols pollués, juillet 2006Tous les auteurs reconnaissent que les cas ayant des effets sur la santé, imputables sans ambiguïté à la pollution des sols, sont rares. Des plombémies élevées ont parfois été mesurées, mais souvent sans que l’on puisse distinguer la part due au site pollué de celle due aux émissions actuelles du site industriel ou de celle due au bruit de fond local (cas des résidus de sites miniers dans des zones à fond géochimique élevé). Dans le cas particulier du quartier sud de Vincennes (années 1990- 2001), une densité inhabituelle de cancers d’enfants a été relevée, mais les études épidémiologiques et environnementales conduites n’ont pas indiqué de lien de cause à effet avec la pollution de l’ancien site industriel présent dans ce quartier.
Mais, s’il y a bien une vraie difficulté à apprécier les impacts sur la santé, Frédéric Ogé et Pierre Simon soulignent la rareté des enquêtes épidémiologiques : « Faute d’information suffisante il n’est pas aisé d’identifier la toxicité des produit auxquels on peut se trouver exposé ». Henri Pezerat reste très critique quant à la fiabilité des organismes de l’État en matière de détection des cancers environnementaux : « Le premier souci des pouvoirs publics reste d'éviter toute vague, toute mise en cause d'acteur économique de poids ou d'administrations défaillantes. Et les institutions de recherche, apparaissent incapables d'initiative, sans imagination, influencés par les milieux industriels ou paralysées par la peur de déplaire » La lutte contre les maladies cachées, Le Monde, 27 avril 2006, p 19..
Frédéric Ogé et Pierre Simon s’interrogent sur les vertus d’un système où il existe de fait une connivence entre les personnels de l’État, chargés de surveiller les sites industriels; et les dirigeants des entreprises, formés souvent dans les mêmes grandes écoles. « Durant des décennies, ces hauts fonctionnaires habitués à traiter les problèmes sans mettre à mal leur solidarités professionnelles, n’ont pas jugé bon d’informer les Français d’en bas. La priorité était donnée à la production et non à la protection, quitte à encourager l’indemnisation quand la pollution devenant trop criante ou quand les médias y faisaient écho. » (op. cité, page 84) Et de rappeler que trop d’entrepreneurs refusent encore aujourd’hui des payer pour gérer au mieux leurs déchets. Cependant, ils terminent ce tour d’horizon des responsabilités partagées en insistant sur l’importance de l’information et du contrôle des citoyens sur les informations les plus sensibles.
 
Référence bibliographique

AFSSET - Sites et sols pollués, juillet 2006

Référence bibliographique

Pézérat Henri - La lutte contre les maladies cachées, Le Monde, 27 avril 2006, p 19.