La communication non contrôlée
Même les discours scientifiques qui se veulent sérieux se trouvent parasités : ainsi, les débats organisés par l’ADEME (Attention, planète en surchauffe !, 21 février 2006, Paris) ou plus exemplaire encore l’exposition Climax à la Cité des Sciences et de l’Industrie à la Villette (Paris, 2003-2004). Faute de disposer de scientifiques susceptibles de concevoir cette exposition, celle-ci a été soustraitée à M.V.R.D.V., un collectif néerlandais de trois architectes coutumiers d’exposition « pour expérimenter l’espace ». Ils ont conçu l’esplanade, sorte de foire aux livres, la programmation sur écran de 360° du film d’images de synthèse, le forum d’interviews et conférences d’experts mais aussi les débats autour de questions des visiteurs, et « clou de l’exposition » un jeu sur les conséquences des émissions de gaz à effet de serre. Tout visiteur pouvait faire apparaître sur un globe terrestre le résultat d’une décision de son choix. Par l’intermédiaire du visiteur-acteur, le virtuel devenait réel. Ainsi, pour 2100, en Europe, une température à l’intérieur des continents de plus de 40°C entraînant des incendies à répétition était présentée comme la conséquence d’une utilisation des énergies fossiles restée au même niveau qu’actuellement. Rappelons tout de même que les modèles présentent d’importantes marges d’erreurs, et que, surtout, les « experts » ne savent pas exactement comment les climats régionaux vont évoluer. Pour l’Europe du nord-ouest, selon la trajectoire de la dérive nord-atlantique, les scénarios proposent pour 2050 une hausse de 4°C ou une baisse de 2°C par rapport à l’actuel. Cette « fourchette » de 6°C, devrait imposer de se concentrer sur l’imprécision afin de pouvoir réduire l’incertitude. Effet de mode enfin, sous prétexte de « faire vivre » ou de « faire éprouver », les concepteurs n’ont guère eu le souci des nuances. Certes exposer c’est simplifier mais la condition de l’efficacité suppose de ne pas dissocier le travail des experts de la réalisation des documents de communication. Il s’agit, pour les climatologues et en particulier les spécialistes des risques, de tenir tous les maillons de la chaîne : de la modélisation ou de l’enquête de terrain, selon le cas, jusqu’à la production d’images et d’expositions, afin d’éviter les contresens des non-spécialistes ou les facilités du spectaculaire et de l’émotionnel médiatiques.