Si s’accorder sur les réclamations de toutes les parties intéressées s’avère impossible, on entame nécessairement des démarches ou bien de domination (relative sinon absolue, d’un principe sur un autre, etc.) ou bien de compromis ou bien de sacrifice. Dans une telle situation de non-réconciliation, la controverse reste ouverte de fait.
- L'objectif de ceux qui prônent une solution inclusive ne sera plus le consensus universel mais la seule atteinte d'une décision largement acceptée comme honorable au sens d’être reconnaissante des revendications des uns et des autres sans pour autant les satisfaire toutes. Toutefois, une décision honorable ou « largement acceptée », « raisonnable » (etc.) va vraisemblablement refléter le status quo des relations de pouvoir dans la société — par exemple la majorité dans une démocratie représentative, les intérêts économiques puissants dans une politique environnementale, le statut quo des valeurs politiques de la République, etc. Même dans une délibération très réflexive, les points de repère du « décideur » (ou des communautés réunies) ne sont pas décidés ex nihilo. Si la démarche de concertation vise à établir un domaine de l'acceptable, l’absence d’un accord universel implique que la confiance sous-jacente à toute disposition de compromis risque d'éclater.
- En revanche, la recherche de l’inclusion ou du compromis peut être sans intérêt pour un acteur (individuel ou groupe) qui obéit à la règle « que le plus puissant gagne » et/ou qui jouit de l’exercice d’un pouvoir de domination ou de coercition. Un acteur qui poursuit le pouvoir en ce sens de dominer, ne partage pas les valeurs sous-jacentes à la délibération et ne voit pas forcement un intérêt (sauf éventuellement stratégique) de la concertation des stakeholders. Tout au contraire, il peut essayer d’exploiter des processus participatifs dans les objectifs d’une prolongation de sa sphère d’influence ou de domination.
- Enfin, il y a aussi la logique de martyr, c’est-à-dire la revendication d’une exigence ou d’une valeur qui n’a pas (ou très peu) de perspective d’être soutenue mais où la ou les personnes et communautés se sentent comblées dans leur résistance tragique.
Il est donc important de distinguer d’une part, les facettes du développement ou les situations où les acteurs affirment collectivement leur appartenance à des valeurs communes et, d’autre part, les situations où il n’existe aucun accord visible ni sur les valeurs ni sur les objectifs d’une démarche délibérative. Pour les deux cas, on doit poser la question, quelles sont les valeurs et les préoccupations des stakeholders qui vont vraisemblablement peser sur leur jugement de l’adéquation ou de l’acceptabilité de « l’offre » de la part de l’entreprise d’un « contrat social » ? Cependant :
- Dans le premier cas, la démarche délibérative peut bénéficier, en principe, d’un consensus préalable et, le problème n’est pas autant de sa légitimité que de sa pratique.
- Dans le dernier cas, la démarche délibérative est plutôt l’expression d’un choix et d’un espoir : d’une part le rejet des solutions de domination basées sur la négation des valeurs marginalisées, d’autre part l’espoir de la possibilité d’une société fondée le respecte réciproque.