Foresight Sociale

Cette philosophie obéit à un impératif sociétal. On s’interroge d’abord sur les besoins de la société en termes économiques, sociaux, écologiques, voire culturels, puis on cherche les stratégies pour les satisfaire. S’il s’agit, entre autres, des moyens technologiques, il s’agit aussi des moyens institutionnels, par exemple, processus de consultation et de concertation, des changements organisationnels ou réglementaires. La priorité ne porte plus sur l’innovation technologique qui ne devient qu’un moyen parmi d’autres de parvenir à un objectif de société ou d’exprimer des « valeurs » de la société.
Cette forme de prospective connaît un certain succès avec le concept de développement durable, notamment pour des choix de politiques d’amélioration environnementales (ou de santé et plus largement de qualité de vie). Les Pays-Bas sont parmi les premiers à avoir affiché ce type de prospective, dès le début des années 1990. On peut, par exemple citer un passage d’une étude de prospective de ce type réalisée par RMNO qui soulignait en 1992 “dans une prospective de long terme et dans un but de soutenabilité, plus que des connaissances scientifiques et des compétences technologiques, nous avons besoin de comprendre les causes sociales d’un manque de soutenabilité et les déterminants instrumentaux, institutionnels (organisationnels) et culturels de la soutenabilité et leurs opposés. ». L’exercice de prospective néerlandais intitulé « 81 options. Technology for Sustainable Development » réalisé par le TNO en 1997, constitue une illustration intéressante de cette catégorie de prospective (voir l'exemple ci dessous).
Exemple

Un exemple de « foresight social »

« 81 options. Technology for Sustainable Development »

Cette étude a été réalisée par le TNO Centre for Technology and Policy Studies en collaboration avec le TNO Institute of Environmental and Energy Research and Process et le Cental Planning Bureau à la demande du Ministère Néerlandais du Logement, de la Planification Spatiale et de l’Environnement en 1997.

L’objectif était de proposer des marges de manœuvre pour stimuler la sélection de « systèmes technologiques » (au sens où nous l’avons défini en introduction, c’est-à-dire innovations technologiques, mais aussi changements institutionnels et organisationnels) permettant l’amélioration de l’efficacité environnementale des produits, processus et activités tout en ayant une acceptation sociale. L’hypothèse de départ était que si, dans le passé, on pouvait supposer que la science et la technologie poussaient la demande (solvable), désormais ce sont les besoins sociaux, exprimés par la demande sociale (à ne plus confondre avec la demande solvable) qui doivent entraîner la science et la technologie.

La démarche est de type back-casting puisque le point de départ consiste à définir la situation désirée à un point déterminé du futur. Dans un second temps, la méthode de scénarios est utilisée pour relier la situation présente à la situation future désirée. Cet exercice aboutit à une étude prospective normative de long terme. Elle correspond à une volonté d'atteindre une situation donnée à un horizon donné.

La demande sociale peut pleinement intervenir dans la définition de la situation future souhaitée et dans la construction de scénarios puisque différents types d’acteurs peuvent être impliqués dans les panels mis en place pour la réalisation de cet exercice.

Cette méthode permet de déterminer les innovations technologiques incrémentales et radicales dans une logique de Développement Durable. Un exemple intéressant peut être donné. Les « zepellins » figuraient parmi les technologies à pousser pour réaliser des déplacements inter-régionaux. Un programme de R&D a pu être lancé pour cette technologie, apparemment incongrue, grâce à la participation de différentes catégories d’acteurs tout le long de cet exercice. En effet, plusieurs industriels ont été convaincus de se joindre à l’effort d’investissement réalisé par les pouvoirs publics. En ce sens le processus, pour un tel exercice, revêt une importance aussi grande que le rapport lui même.

Sources : R. Weterings, J.Kuijper and E. Smets, 1997, 81 options Technology for sustainable Development », Final report of the Environment-oriented Technology Foresight Study commissioned by the Ministry of Housing, Physical Planning and the Environment.