Prospective « Concertative » et Demande Sociale

Dans ce nouveau contexte, les études de prospective ne prétendent plus prédire le futur comme était le présupposé du terme anglais traditionnel de « forecast » (prévision). Le mot d’ordre dans le monde anglo-saxon est désormais « foresight » (difficilement traduisible en français) qui, comme les « futures studies » des années 1970, propose de développer des visions des futurs possibles, allonger l’horizon temporel des stratégies des politiques scientifiques et technologiques, et inciter les acteurs à prendre part au développement du futur.
De même, on parle de moins en moins de « foresight technologique » [technology forecasting], et davantage de « foresight social ». Ainsi par exemple, le gouvernement britannique a-t-il annoncé en octobre 1999, le lancement d’un nouvel exercice de prospective totalement recentré sur la « demande sociale ». Les thèmes choisis et l’accent mis sur la participation des forces sociales montrent que ce nouveau « foresight » serait largement orienté vers « l’animation sociale » et la valorisation de l’utilité sociale de la science pour tous (Masood, 1998 ; Barré, 1999 ). Les exercices de foresight constituent un moyen, a priori, d'améliorer l’interaction stratégique entre les acteurs clés et d'anticiper la mise en œuvre politique. Le processus de prospective importe autant que les résultats, ce qui renvoie à la notion de rationalité procédurale, par où le foresight devient un instrument privilégié pour faciliter les processus de concertation sociale.
Définition
Le « foresight » se différencie des traditionnels « forecast » sur au moins deux aspects :
- Le « forecast » est un exercice probabiliste permettant d’anticiper un futur possible par le biais d’une estimation d’ordre quantitatif. Le « foresight » offre plusieurs futurs possibles dépendant des choix d’aujourd’hui et recourt à des méthodes pouvant concilier aspects quantitatifs et qualititatifs. De ce point de vue, la distinction entre « forecast » et « foresight » correspond assez bien à l’opposition opérée par la tradition française, de Berger (1967) à Godet (1991) , entre prévision et prospective.
- Le « foresight » s’intéresse aux futurs possibles et souhaitables correspondant à des besoins de la société. Certains considèrent même que le « foresight offre la possibilité de négocier une nouvelle relation plus fructueuse ou un nouveau ‘contrat social’ entre la science et la technologie, d’une part et la société, d’autre part » (Martin, 1997) .
La « prospective concertative » consiste à étendre les procédures d’expertise collective et d’intégration des experts dans de nouvelles procédures de concertation à la conception de systèmes de prospective technologique nationaux visant notamment à la réduction des risques collectifs environnementaux. Une telle problématique devrait contribuer à relever le défi lancé par le rapport Bailly du Conseil Economique et Social (1998), intitulé "Prospective, Débat, Décision Publique" (Bailly, 1998, p.15) :
« …s’agissant de construire de bonnes décisions, opportunes, comprises et acceptées, la démarche prospective est plus utile que jamais à condition que l’on parvienne à se renouveler pour accompagner l’ensemble du processus de décision et contribuer à forger les concepts et les pratiques de nouvelles formes de gouvernance ».
Dans ce nouveau contexte décisionnel, la pluralité des intérêts et des valeurs ainsi que la controverse sur les critères sont admises comme irréductibles. Une légitimation des choix politiques nécessite la concertation des différents acteurs, sous la forme d’un arbitrage parfois conflictuel entre eux, afin d’identifier le champ des actions acceptables. Il convient de distinguer deux grandes philosophies qui coexistent au sein de la prospective, que nous désignons respectivement, « Foresight technologique » et « Foresight social ».
Définition
Gouvernance

Le concept de « gouvernance », à la différence de celui de « gouvernement » est utilisé dans notre travail suivant la conception véhiculée par la Commission Européenne (1995), pour désigner :

« la totalité des différents moyens par lesquels les individus et les institutions publiques et privées gèrent leurs affaires communes. Il vise aussi bien des institutions et des régimes officiels dotés de compétences d’exécution, que des arrangements amiables que les citoyens et les institutions estiment, d’un commun accord ou intuitivement, vouloir passer ».