- L’approche « classique » (au sens de la Banque Mondiale), représentée par les néo-malthusianistes et les travaux de Hardin (et sa fameuse tragédie des communs) par exemple, considère les producteurs et usagers ruraux comme ignorants des problèmes environnementaux, irrationnels dans leurs décisions et pratiques, marquées par une tradition implicitement considérée comme arriérée. Les problèmes environnementaux résultent de pratiques inadaptées des usagers. De façon plus structurelle, la démographie galopante, le manque de planification, et l’ignorance sont incriminés. Ces problèmes nécessitent des solutions environnementales, incluant de véritables grands travaux de conservation des sols (terrasses, courbes de niveau), et appliquées de façon bureaucratique, centralisée et descendante. Le monde paysan est traité de façon paternaliste et ni l’influence du marché et de l’environnement économique sur les usagers ruraux, ni leur capacité d’action collective ne sont considérés. Cette approche est un peu celle de la révolution verte lorsqu’elle a tenté de s’appliquer au Sud en développement, jusqu’au début des années 1970.
- L’approche populiste, que l’on peut situer autour des travaux de Conway et Chambers, et en partie Boserup, par exemple, place les producteurs et usagers ruraux au centre du débat (on pense au fameux « farmer first » de Chambers), idéalisant leurs capacités à s’organiser, à raisonner et à agir collectivement. Les savoirs et pratiques locaux sont également mis en avant et quelque peu idéalisés, et en aucun cas jugés impliqués dans la dégradation des ressources. Les problèmes environnementaux résultent d’une gestion défaillante de l’Etat. Les causes structurelles en sont des règles imposées par un marché capitaliste prédateur, une distribution des ressources politiquement biaisée et des technologies inappropriées. Ces problèmes nécessitent donc des solutions sociopolitiques générées par des processus ascendants, et des technologiques alternatives, notamment agronomiques et conservatoires, appliquées par les communautés elles-mêmes (farmer-to-farmer), aidées par des ONG et des activistes. Cette approche a été promue par la Banque Mondiale pendant près de deux décades, jusqu’à la fin des années 1980 et a fortement marqué l’approche farming system des anglophones à ses débuts (techniques participatives, etc.). Cette approche, privilégiant la décentralisation, et la conduite des projets de développement par les communautés, et aujourd’hui très critiquée, notamment par la Banque Mondiale elle-même, pour ses faiblesses, et quelques faillites notoires (Mansuri & Rao, 2004).
- L’approche néo-libérale s’est développée depuis la fin des années 1980, la chute du bloc soviétique, et l’avènement de la globalisation. Cette approche se situe dans la mouvance de l’écodéveloppement, de l’économie de l’environnement en plein essor, et finalement du développement durable. Des auteurs tels qu’Ostrom sur l’action collective et la gestion des ressources, ou Ellis sur le paysannat en développement, ainsi que le mouvement systémique, représentent cette mouvance. Les producteurs et usagers ruraux sont considérés comme rationnels, mais cette rationalité est limitée par l’asymétrie d’information et des marchés défaillants. Les problèmes environnementaux sont attribués aux défaillances institutionnelles : politiques agricoles et environnementales inadaptées ou incomplètes, lourdeur bureaucratique et manque de régulations. De façon structurelle, les droits d’accès et d’usage (property rights) inadaptés, les prix, et les tendances démographiques sont les causes identifiées des dégradations environnementales observées. Celles-ci nécessitent des solutions économiques et institutionnelles, par des formes de régulations du marché, des droits d’accès et d’usage appropriés, une politique économique sur les ressources, incluant la tarification et des outils incitatifs (taxes, permis, quotas, etc.), la prise en compte des externalités. L’action collective est centrale, mais considérée sous l’angle de la négociation, de la gestion / résolution de conflits, des compromis. Aucune technologie particulière n’est promue a priori.