D’un paradigme productiviste à celui de développement durable

Au plan épistémologique, Denis (op. cit.)(1999) Agronomie. In : Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences. PUF, collection Quadrige, Paris, France, pp 24-29. considère que la première période des sciences de l’agriculture s’étend des origines aux années 1960-70. Pour Mazoyer & Roudart (op. cit.)(1997). Histoire des agricultures du monde. Du néolithique à la crise contemporaine. Editions du Seuil, collection Points Histoire, Paris, France, 705p, la période qui s’étend du XVIIIe siècle à la première partie du XXe siècle constitue la période de la première révolution agricole. Elle correspond à la recherche d’un objectif unique : l’augmentation de la production, et de la productivité de la terre et de la main d’œuvre. Le projet est productiviste, fortement encadré et aidé par les Etats, même dans les sociétés libérales. Même si très tôt Malthus dans son « Essai sur le principe de population » s’inquiète en 1798 « de la soutenabilité de l’environnement au regard du renouvellement des espèces » et de l’extraction des ressources (cité par Camerini, 2003(2003) Les fondements épistémologiques du développement durable. Entre physique, philosophie et éthique. Editions L’Harmattan, Paris, France, 139p.), ce point de vue reste très marginal, et en aucun cas ne va orienter les recherches conduites ou les projets de société durant cette période.
Denis (op. cit.)(1999) Agronomie. In : Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences. PUF, collection Quadrige, Paris, France, pp 24-29. précise que les enjeux de l’agriculture aux XVIII et XIXe siècles sont surtout de limiter les risques, éviter les accidents de type phytosanitaire, obtenir des rendements plus constants, et coloniser des terrains jusqu’alors considérés impropres à l’agriculture. Avec les progrès des connaissances dans les domaines phytosanitaires, de la sélection variétale, de l’alimentation minérale des plantes, des sols et de la bioclimatologie, entre autres, l’agriculture du XXe siècle peut envisager une augmentation régulière des rendements et de la qualité des produits. Les tendances consommatrices des sociétés occidentales se confirment à partir des années 1950 et renforcent le paradigme productiviste.
Ces objectifs, conférés à l’agriculture, sa recherche et son industrie, sont ceux des sociétés civiles qui se succèdent durant cette longue période, et sont reconduits plus ou moins tacitement. Ils s’accompagnent de méthodes, valeurs et principes (formant un paradigme) d’abord très empreints de scientisme (selon l’esprit des XVIII et XIXe siècles), puis teintés de déterminisme et positivisme : la recherche va expérimenter et identifier des solutions techniques, de façon sectorielle, qui seront enseignés dans les centres d’enseignement agricole, et qui seront diffusés par les services de vulgarisation. On observe (des effets), on recherche et expérimente (des causes, des facteurs, des déterminants), on valide et généralise, et on diffuse auprès des producteurs, qui adoptent.
Dans la mesure où l’agriculture, et les disciplines qu’elle mobilise (notamment l’écophysiologie) enregistrent des résultats spectaculaires et positifs durant toute cette période, l’évaluation qui en est faite est très favorable et ne remet pas en cause ce modèle, ses objectifs, ni le paradigme productiviste.
Au plan scientifique, l’écophysiologie débouche ainsi sur des modèles d’élaboration du rendement pour un nombre toujours croissant de plantes cultivés, et qui promettent un contrôle toujours plus fin de la production à l’échelle de la parcelle, et l’optimisation du potentiel photosynthétique. Les connaissances approfondies des facteurs du milieu physique (sol et climat) alimentent ces modèles. Les apports de la biochimie et de la biologie moléculaire, puis des biotechnologies, notamment appliquées au génome, font également progresser le potentiel de production, la réduction des risques. La plante d’une part, le champ cultivé, la parcelle d’autre part, constituent donc les échelles d’observation, d’expérimentation et de mesure privilégiées.
A la fin de ce cycle, et, en France, par trente glorieuses, la société civile elle-même salue les succès économiques et techniques de l’agronomie, et de tout le système recherche – enseignement - vulgarisation. Selon les mêmes principes, on s’apprête à engager le monde en développement sur la voie de la révolution agricole contemporaine, via la révolution verte.
 
Référence bibliographique

Denis, G - (1999) Agronomie. In : Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences. PUF, collection Quadrige, Paris, France, pp 24-29.

Référence bibliographique

Mazoyer, M. & Roudart, L. - (1997). Histoire des agricultures du monde. Du néolithique à la crise contemporaine. Editions du Seuil, collection Points Histoire, Paris, France, 705p

Référence bibliographique

Camerini, C - (2003) Les fondements épistémologiques du développement durable. Entre physique, philosophie et éthique. Editions L’Harmattan, Paris, France, 139p.

Référence bibliographique

Denis, G - (1999) Agronomie. In : Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences. PUF, collection Quadrige, Paris, France, pp 24-29.

Définition

Que l’on peut donc situer entre la fin de la seconde guerre mondiale, et les années 1970, Mazoyer & Roudart (1997) parlent d’ailleurs plutôt des « 25 glorieuses ».