L’Analyse Multicritères comme outil de Prospective

La méthode d’analyse multicritères semble parfaitement adaptée à la question d’une évaluation comparative des options technologiques ou de projet (etc.) dans domaines et à diverses catégories de prospective. Toutefois, sa pertinence dans la pratique repose de façon importante sur la façon dont ont été obtenus les différents critères qu’elle doit appliquer et des jugements ensuite obtenus. Seront-ils issus d’avis d’experts, de représentants de la société civile, des deux ? Dans le dernier cas, est ce par une juxtaposition de critères fournis par les uns et les autres ou par le biais d’une concertation entre les deux catégories d’acteurs pour obtenir une « grille d’évaluation » commune ?
Exemple

Parmi les nombreux exemples documentés dans la littérature scientifique, citons :

Simos (1990) d’une négociation multilatérale associée à des analyses multicritères scientifiques, économiques, écologiques et sociales ;

De Marchi et al. (2000) qui présentent une application des méthodes d'analyse multicritères recourant à des diverses techniques concertatives aux questions de politiques de développement local et de maîtrise des ressources en eau ;

Gamboa & Munda (2006) qui présentent une cadre d’analyse multicritères participative comme aide à la décision dans le cas des conflits autour de l’implantation des éoliens

L’utilisation de méthodes multicritères recourant à des processus délibératifs et participatifs s’est beaucoup développée en Europe (et ailleurs) depuis les années 1990, dans le but d’assurer la qualité, tant scientifique que politique, d’exercices de prospective et plus généralement d’aide à la décision liés à des enjeux environnementaux. De nombreuses analystes proposent des démarches pour une analyse multicritères participative, insistant sur le rôle constitutif des « stakeholders » pour (i) aider l’établissement d’une liste agréée des enjeux ou de principes de performance et (ii) aider l’émergence d’un terrain d’entente entre parties-prenante. (voir complément plus bas)

Bien sûr, l’analyse multicritères ne constitue qu’un outil de structuration de l’information et des jugements, alors que ce qui importe est le type de techniques concertatives en amont. Une même méthode d’analyse peut (i) donner des résultats extrêmement divergents et (ii) avoir une visibilité et acceptation sociétale très contrastée, en fonction du processus social et des techniques de dialogue ou de concertation à laquelle elle fait appel en amont.

Nous présentons dans l’encadré "complément" plus bas, un exemple d’une étude prospective utilisant l’analyse multicritères pour évaluer les options technologiques. Dans cet exemple, les dimensions de créativité et de concertation que nous avons mises en avant, sont largement absentes. Seuls les problèmes environnementaux et les technologies déjà existants étaient pris en compte et, ce sont les experts qui se constituaient en porte-parole de la demande sociale. Il est en revanche envisageable de faire intervenir directement des acteurs de la société civile en tant que représentants de la demande sociale et en tant que source de « signaux faibles » sur la gamme de technologies et de défis sociaux environnementaux éventuels à prendre en compte.
Complément

L’étude néerlandaise intitulée Technology Options for Environmental Problems réalisée en 1992 à la demande du Ministère du Logement, de l’Aménagement du Territoire et des Affaires Environnementales, avait pour objectif d’identifier des options technologiques satisfaisantes du point de vue environnemental. Elle comportait les quatre étapes suivantes :

Identification et évaluation d’un maximum d’options technologiques.

²Isolement de celles qui ne sont pas encore sur le marché.

Sélection des options qui correspondent aux critères suivants :

  1. Celles qui promettent une contribution majeure à la solution des problèmes environnementaux ;
  2. Celles qui évitent de nouveaux problèmes environnementaux ;
  3. Celles qui sont efficaces énergétiquement.

Puis on procède à une nouvelle sélection en fonction des critères suivants :

  1. Effet multiplicatif : la technologie en question traite-t-elle plusieurs problèmes environnementaux simultanément ;
  2. Obstacles socio-économiques à la mise en œuvre de cette technologie ;
  3. Maturité technologique : la technologie peut-elle être développée à moyen terme ?

(Source : van der Meulen, 1996)