Une approche participative, surtout dans une situation de controverse, peut s’accompagner de la plus grande variété de motivations, d’objectifs et de valeurs et, de plus, elle peut facilement mener à l’impasse. D'un point de vue théorique, une démarche délibérative viserait la canalisation de cette diversité d’intérêts et de priorités en faisant appel aux normes du rang supérieur d’un modèle de décision légitime parce que conforme aux valeurs sociétales générales, ce que l’on peut appeler un PRINCIPE DE RECONCILIATION qui se réfère, d’une part, aux pratiques de la démocratie délibérative et, d’autre part, aux préoccupations d’un développement durable.
L'approche délibérative se présente d’emblée comme un moyen scientifique de reconnaître publiquement la pluralité des valeurs (et des stratégies qui peuvent être construites sur ces dernières) au sein de la communauté et, par cela même, de signaler publiquement l’enjeu de la recherche — ou non — d’une coexistence des parties prenantes dans leur diversité. (Nous utilisons librement le terme « communauté » pour l’échelle de village, de nation ou, éventuellement, de nations à l’échelle planétaire. La question (légitime) de l’adaptation ou non du mot, nous renvoie aux problèmes de fond : sur quelle base affirmer des perspectives d’une coexistence, d’un partage de sens, de valeurs, d’objectifs et d’intérêts au sein d’un groupe social et entre sociétés.)
En effet, dans la discussion il ne s'agit pas d'éliminer les contradictions mais plutôt de les admettre et de découvrir des manières originales de les articuler qui permettent l'action.
Si, ensuite, le processus participatif est proposé normativement comme instrument de rapprochement ou de réconciliation, c’est en raison de cette possibilité qu’il offre d'expliciter les raisons qui sous-tendent les jugements qui feraient pencher les différents participants vers telle ou telle action. Car, tout processus discursif dit « public » tend à opérer une sélection parmi ces raisons, en rendant certaines plus valables (ou légitimes) que d'autres. En particulier, les prises de position intolérantes et les raisons « inavouables » (agressives contre d’autres membres « légitimes » de la communauté de décision et incompatibles avec un principe d’ouverture à la réconciliation) ne peuvent servir à justifier publiquement une préférence. Le processus participatif, en affaiblissant ainsi les préférences dotées de raisons non avouables, tend à favoriser les arguments et éventuellement les actions prônant une coexistence (et, ainsi, justifiées par des raisons publiquement avouables).
Ainsi l'approche discursive peut servir à la fois de garde-fou contre les détournements stratégiques et de garant de la tolérance de la pluralité des valeurs au sein de la société.